Vandana Shiva, “héroïne environnementale” selon le Time Magazine , “déesse écolo” pour l’Obs , “déesse des semences” chez National Geographic . En 2010, Eve Ensler (auteure des Monologues du vagin) la plaçait pour Forbes parmi les sept féministes les plus puissantes . Aujourd’hui, elle cumule plus de 41 400 followers sur Twitter et 35 700 likes sur Facebook . Elle est incontestablement une des figures incontournables des mouvements anti-OGM et anti-Monsanto, au sein desquels “on ne la présente plus” . C’est notamment à elle, principalement, que l’on doit le mythe selon lequel les fermiers indiens se suicideraient en masse du fait de Monsanto et du coton OGM.
Et si ce mythe a si bien pris, c’est parce que Vandana Shiva est aussi un exemple typique de la figure d’autorité : lorsqu’elle parle, on l’écoute, et on la croit. Ses propos sont rarement remis en cause. Mais pourquoi ? Au-delà de son indéniable charisme, je dégage trois éléments qui leurrent l’esprit inattentif, trois éléments qui, lorsqu’on les creusent, perdent toute leur puissance : son indienneté, son féminisme, sa scientificité. Nous explorerons ces trois facettes, comblerons un peu des zones d’ombres qui leurs donnent toute leur aura, avant de montrer – en citant Vandana Shiva elle-même – que non, elle ne peut clairement pas être crue si aveuglément.
Shiva, indienne
“Indienneté”
Vandana Shiva est indienne. On ne peut pas passer à côté, et ça constitue une part majeure de son identité médiatique. Ainsi, ses saris et son imposant bindi sont des éléments récurrents des présentations que l’on fait d’elle. Pour reprendre les termes de Kavin Senapathy : elle “respire l’indienneté”.
VO/VF[Vandana Shiva] has achieved the deplorable yet amazing feat of appropriating her own culture.
[Vandana Shiva] a accompli l’exploit déplorable mais incroyable de se réapproprier sa propre culture.
Kavin Senapathy
L’américaine d’origine indienne va même plus loin. Pour elle, Vandana Shiva “empeste le ‘plus indienne que vous’” et “a accompli l’exploit déplorable mais incroyable de se réapproprier sa propre culture”. Car là est le problème : cette image d’indienne traditionnelle que véhicule l’activiste (cumulée au rôle qu’elle se donne de David contre Goliath) lui confère une surprenante aura de fiabilité aux yeux des occidentaux, déjà parce que forcément “elle est indienne, donc elle connaît la situation en Inde et défend les intérêts du peuple indien”, ensuite parce que – allez savoir pourquoi – les cultures traditionnelles orientales sont associées pour bien des occidentaux à une certaine sagesse ancestrale supérieure.
Le bindi, c’est ce point rouge, cet ornement traditionnel et religieux porté sur le front par les femmes hindous. Kavin Senapathy le souligne : ceux de Vandana Shiva sont “massifs”. Wackes Seppi pose la question de sa taille, la rapprochant à comment Vandana Shiva s’est forgé un personnage.
Intrigué, je suis allé demander l’avis d’un collègue indien : le bindi est très gros, mais pas trop gros. Il est bien plus gros que ce que l’a plupart des indiennes n’oseraient porter. Toutefois, de tels bindis se retrouvent chez des femmes d’âge mur sures d’elles-mêmes, ainsi que sur des féministes affirmant ainsi leur fierté d’être femme.
Ainsi, bien que cet ornement – tout comme les saris – participe de l’image d’indienne traditionnelle véhiculée par Vandana Shiva, il serait injuste de la considérer comme un artifice manipulateur, dont le but fondamental serait de forger ce personnage qu’incarne l’activiste.
Laissons de côté ce dernier élément, absurde, pour nous intéresser à une question bien plus pertinente : Vandana Shiva représente-t-elle vraiment les fermiers indiens qu’elle dit protéger ? Sert-elle vraiment leurs intérêts ?
S’arrêter à la nationalité de Vandana Shiva, ce serait oublier l’existence de différences économiques et sociales majeures au sein d’un même pays. On n’irait pas considérer Bernard-Henri Lévy ou Alain Finkielkraut comme des porte-paroles pertinents des ouvriers français ! Et cette problématique est d’autant plus vraie dans un pays comme l’Inde, longtemps scindé par un système de castes loin d’avoir tout à fait disparu. Vandana Shiva est loin, très loin, des réalités paysannes en Inde. Elle est une Brahmane , la caste des érudits. Et bien qu’elle explique (on la croit volontiers) avoir été éduquée dans un rejet total du système de castes , les spécificités que cela sous-entend sont bien tangibles. Fille d’un garde forestier et d’une inspectrice de l’éducation, elle a grandi dans une famille aisée. Elle a eu la chance de compléter ses études au Canada , et vit maintenant une vie d’intellectuelle. Sa réalité, c’est l’écriture, les discours et les voyages en classe affaires . Ce n’est pas la faim, le labour, les récoltes, la précarité financière.
Un autre élément apparemment assez caractéristique de la caste Brahmane, et très présent dans le discours de Vandana Shiva, est la glorification d’une certaine ascèse s’inscrivant notamment dans le prolongement des idées du Mahatma Gandhi. Elle apparaît dans le concept de “pauvreté culturellement perçue” développé par l’activiste. Et là, quelques éclaircissements sont nécessaires.
Le concept de “perception culturelle de la pauvreté”
C’est un peu le passe-droit de l’idéologie de Vandana Shiva, ce qui l’autorise à défendre une agriculture de subsistance, condamnant les fermiers à un travail à la fois difficile et peu rentable. C’est apparemment elle qui a introduit la dénomination de “perception culturelle de la pauvreté” dans la littérature féministe , mais le concept n’a rien de nouveau. Il consiste à souligner la subjectivité du concept de pauvreté : ce qu’une culture juge comme un dénuement malheureux ne l’est pas forcément aux yeux d’une autre. En effet, d’une part, la pauvreté est un concept relatif, qui se construit par rapport à une richesse. Une ethnie isolée ne se considère par exemple pas comme pauvre en ce qu’elle ne connaît pas de référentiel plus riche auquel se comparer. D’autre part, le concept occidental de pauvreté, centré avant tout sur des considérations matérielles voire financières, n’est pas nécessairement adapté à l’estimation du bonheur de toute population. Une population matériellement démunie pourrait se trouver comblée par des éléments immatériels. Ainsi, à la pauvreté matérielle du Sud, Vandana Shiva oppose “la pauvreté culturelle, la pauvreté sociale, la pauvreté éthique, la pauvreté écologique [et] la pauvreté spirituelle” du Nord.
Sauf que ce concept, qui semble faire sens au premier abord, s’écroule bien vite dès lors que la population considérée n’est pas isolée. Et surtout, il justifie les inégalités , a fortiori lorsque le dénuement est associé à une forme de richesse alternative et favorable, comme c’est le cas dans le discours de l’intellectuelle indienne.
VO/VFThe idea of ‘culturally-perceived’ poverty and related populist arguments are now being widely used by those who idealize subsistence production.
L’idée de ‘perception culturelle de la pauvreté’ et les arguments populistes associés sont maintenant largement utilisés par ceux qui idéalisent la production de subsistance.
Regina Cochrane
D’une part, les classes aisées sont déresponsabilisées. La pauvreté est relayée au rang de non-sujet. Les élites peuvent dormir apaisées : ceux qui vivent sur le fil et se tuent à la tâche dans les champs pour à peine parvenir à se nourrir ne sont pas si desservis, ils jouissent d’une richesse spirituelle non parasitée par les basses considérations matérielles. D’autre part, vouloir lutter contre ces inégalités devient même condamnable par une certaine morale. Il s’agirait en effet d’ignorer des différences culturelles. Là se profile la gravité insoupçonnée de cette idéologie : elle ne se contente pas de relativiser la pauvreté matérielle, elle l’érige en identité. Aider une population à sortir de la misère, voire même la laisser faire, serait un crime contre un patrimoine culturel : comprenez… la subsistance, c’est leur culture, et c’est ce qui leur permet d’être si riche humainement parlant…
Ainsi, le concept de perception culturelle de la pauvreté est bien loin de servir les classes paysannes qu’il prétend respecter et soutenir. Il semble en fait être bien moins le fruit d’une réflexion sociale approfondie que le résultat d’une vision romantique de la vie paysanne et du dénuement. On n’est pas loin du mythe du bon sauvage – pour ne pas dire en plein dedans. Le fermier est supposé jouir d’une certaine ‘proximité spirituelle à la Nature’, et son dénuement favoriserait l’accès à une élévation spirituelle. Ce dernier point s’inscrit comme on l’a dit dans l’ascèse gandhienne , ce qui nous mène à un des faire-valoir peut-être involontaire de Vandana Shiva : Gandhi.
Gandhi
Vandana Shiva se revendique volontiers de l’influence de Gandhi , dont on la rapproche fréquemment . Elle le fait alors souvent en faisant référence à ce pourquoi Gandhi était originellement reconnu en Occident : la révolution non violente. Son allégeance à ce concept, elle l’illustre par son implication dans le mouvement Chipko lors duquel des villageoises embrassaient les arbres pour empêcher de les abattre (un mouvement de lutte contre la réappropriation de leurs ressources, ensuite détourné et présenté comme un engagement écologiste de la part des “pauvres” ) … une adhérence à la non-violence gandhienne qui reste tout de même tout à fait relative. On a beau lire sur le site de La Villette que l’activiste “érige la non-violence en règle suprême” , elle n’hésite en fait pas à approuver l’incendie criminel des champs de coton OGM ou encore d’un bâtiment universitaire sous prétexte de recherches sur les OGM financées par Monsanto. Ainsi, elle explique : “J’admire la non-violence prônée par Gandhi, mais cela ne veut pas dire rester les bras croisés face au pillage de nos ressources.”
Par ailleurs, Vandana Shiva rattache aussi au mahatma sa vision pour une production plus locale et autosuffisante, opposée au commerce capitaliste mondialisé et hiérarchisé. Là, les références de Shiva à Gandhi font écho à une vision relativement fantasmée du mahatma, mais partagée par un grand nombre d’occidentaux : celle d’un acteur majeur de l’égalité, dont l’évocation semble suffire à infuser dans les propos de l’écologiste un indiscutable égalitarisme. Cassons donc le mythe : Gandhi et l’égalité, ça fait deux.
VO/VFI do not believe […] in inequalities between human beings. We are all absolutely equal. But equality is of souls and not bodies.
Je ne crois pas […] que les êtres humains puissent être inégaux. Nous sommes tous absolument égaux. Mais l’égalité est pour les esprits, pas pour les corps.
Gandhi
En effet, en termes d’égalité, on retiendra notamment de Gandhi sa lutte contre le statut d’intouchables – cette non-caste appelée par la suite dalits. Mais comme le soulignait le leader dalit B
. Ambedkar, il ne s’agissait en aucun cas d’abolir le système de castes, mais simplement d’incorporer les intouchables dans la caste la plus basse, les shrudas. D’ailleurs, Gandhi défendait le système de castes , censé dicter les activités professionnelles de chacun selon leur naissance , et qu’il jugeait nécessaire au fonctionnement de la société hindou . Gandhi prônait certes une égalité entre les castes, mais une égalité de valeurs. Il s’agissait de ne pas considérer un homme comme supérieur à un autre. “L’égalité est pour les esprits, pas pour les corps.”Si invoquer Gandhi insuffle à ses propos une aura d’égalitarisme auprès de certains occidentaux ne connaissant que peu le propos du mahatma, cela fonctionne bien moins en Inde, plus aux faits sur le personnage et son combat. Mais Vandana Shiva a un autre faire-valoir…
“Un auteur african”
En 1989, alors qu’elle développe dans Staying Alive: Women, Ecology and Development (Rester Vivant-e-s : Les femmes, l’Écologie et le Développement) son concept de perception culturelle de la pauvreté, elle évoque “un auteur africain” qui “[distinguerait] la pauvreté comme subsistance de la misère comme privation”. Voilà qui tombe bien : un autre penseur, “concerné” (a priori), d’un tout autre territoire sans caste et connaissant la pauvreté, et qui défendrait les mêmes idées !
Seulement cette référence est en fait empruntée à l’écologiste allemand Rudolph Bahro , et les propos de “l’auteur africain” en question sont à mille lieues de ceux tenus par Bahro et Shiva.
L’“auteur”, c’est le politicien béninois Albert Tévoédjrè. Dans son livre, La pauvreté, richesse des peuples, il distingue effectivement la pauvreté comme “dénuement et misère” d’une “réhabilitation de la pauvreté […] comme une valeur positive” ; mais en aucun cas il ne fait l’apologie d’un dénuement, d’une ascèse ! Il invite en fait à un “développement indigène” qui ne suivrait pas l’exemple capitaliste occidental mais aurait comme priorités les besoins sociaux de la communauté et l’autosuffisance. Loin de rejeter les technologies comme le fait Vandana Shiva, il prône leur réappropriation, afin justement d’aller “au-delà de la simple subsistance”.
L’ironie est d’autant plus criante que Tévoédjrè condamne la glorification de la pauvreté par les bien-nourris et en souligne les dangers évoqués plus haut. Pour lui :
VO/VFRespect for cultures and traditions cannot run counter to the respect for the human person.
Le respect des cultures et des traditions ne doit pas aller à l’encontre du respect de la personne humaine.
Albert Tévoédjrè
Que Vandana Shiva soit indienne ne lui confère aucune légitimité réelle. Cela ne l’investit pas d’une quelconque sagesse orientale, fantasmée par certains. La proximité de ses idées à celles de Gandhi n’est pas une garantie d’égalitarisme, bien au contraire. Sa défense d’une certaine culture paysanne indienne via le concept de perception culturelle de la pauvreté qu’elle développe, en fin de compte, justifie voire renforce les inégalités. Et surtout, n’oublions pas qu’elle n’est pas une pauvre fermière indienne : elle est une intellectuelle indienne qui voyage en classe affaires et tarife 40 000 $ le speech. Elle est bien mal placée pour faire l’apologie d’une agriculture difficile, risquée et peu efficace, imposée à des producteurs démunis qui s’interrogent en réponse : “Pourquoi les riches nous disent-ils de planter des cultures qui ruineront nos fermes ?”
Shiva, féministe
Autre élément récurrent dans les présentations faites de Vandana Shiva : son “féminisme”, ou, pour les plus précis, son “écoféminisme”. Coauteure avec Maria Mies d’Ecofeminism, elle est en effet une des figures majeures du mouvement écoféministe, dont l’idéologie est cruciale à sa réflexion socioéconomique.
Quel rapport avec l’acceptation des propos de Vandana Shiva sur l’agriculture ? “Féminisme” raisonne souvent avec “égalitarisme” et “progressisme”. Comment alors lui reprocher de soutenir les inégalités et le dénuement des paysans ? Et comment l’accuser d’être rétrograde dans son apologie des techniques agricoles traditionnelles et son rejet des biotechnologies et des systèmes de production modernes ?
Pour faire simple : la position “féministe” de l’activiste n’est ni égalitariste, ni progressiste. Elle est éminemment sexiste. Elle repose sur une dichotomie essentialiste entre les hommes et les femmes. Aux hommes, belliqueux, on doit le capitalisme, agressif, dominateur, qui ne respecte ni les hommes ni la Nature. Aux femmes, proches de cette dernière, revient l’agriculture et le devoir de s’opposer à la destructrice patriarchie capitaliste.
Et oubliez le progressisme aussi. La mise en avant par Vandana Shiva des femmes comme solution consiste à leur rendre leur rôle ancestral de responsables des graines, un rôle qu’elles auraient tenu durant dix millénaires, ce qui ferait des femmes contemporaines des agricultrices intrinsèquement plus qualifiées que les hommes. (Je parlais d’essentialisme…) D’ailleurs, comme le souligne Regina Cochrane, rattacher la femme à l’agriculture et à la Nature s’inscrit dans la continuité de l’image historique d’une femme passive, image ayant justement longtemps servi à la priver de ses droits politiques.
Pour reprendre les termes d’Osler critiquant Merchant, principale influence du “féminisme” de Vandana Shiva : ça “empeste la misogynie”.
Par ailleurs, quelques tweets de Shiva nous invitent à nous interroger encore un peu plus sur son “féminisme”. Replaçons le contexte. Le 16 décembre 2012, le viol collectif d’une étudiante dans un bus a bouleversé l’Inde et le monde tout entier (qui en grande partie découvre alors l’ampleur du problème des viols en Inde). Cette affaire, vous vous en souvenez peut-être ; ça ou le mois de mouvements sociaux ayant agité l’Inde à sa suite. Sur le sujet, l’“écoféministe” semble avoir été peu loquace sur Tweeter (je n’ai trouvé que et ). Par contre, le 5 janvier, dans une Inde encore choquée, elle a lâché ça :
#MarkLynas saying farmers shd be free to grow #GMOs which can contaminate #organic farms is like saying #rapists shd have freedom to rape
— Dr. Vandana Shiva (@drvandanashiva) 5 janvier 2013
Comprenez : “Quand #MarkLynas dit que les fermiers devraient être libres de cultiver des #OGM qui peuvent contaminer les fermes #bio, c’est comme dire que les #violeurs devraient être libre de violer.” … Oui… Elle compare la “contamination” de champs par des OGM à un viol, faisant alors clairement écho à cette sordide affaire qui émouvait encore le pays. Et lorsque l’on lui fait remarquer le caractère hautement déplacé de son tweet, elle répond :
@kjhvm Plants also have integrity . We need to move from an patriarchal ,anthropocentric worldview to one based on #EarthDemocracy
— Dr. Vandana Shiva (@drvandanashiva) 5 janvier 2013
“@kjhvm Les plantes ont aussi leur intégrité. Nous devons passer d’une vision du monde anthropocentrique et patriarcale à une vision basée sur la #DémocratieDeLaTerre.” Voilà. Les femmes au niveau des plantes…
J’y réfléchirai donc à deux fois avant de qualifier l’“écoféminisme” de Vandana Shiva de féminisme. Ce qui est clair en tout cas, c’est qu’il est aux antipodes du féminisme égalitariste et progressiste que l’on envisage en premier lieu à l’entente du terme “féminisme”.
Shiva, scientifique
Physicienne quantique ?
Vandana Shiva a un doctorat, et elle y tient à son titre de docteure ! Sur Twitter comme sur son blog, c’est Dr Vandana Shiva. Un doctorat en quoi ? À l’écouter, en “physique des particules”, ou “physique quantique”. Elle est donc présentée comme une physicienne , une “spécialiste brillante de la physique quantique” , une “scientifique de haut vol” … et pendant qu’on y est, allons-y carrément : “elle était l’une des principales physiciennes d’Inde”.
Sauf que voilà : Vandana Shiva n’est pas docteur en physique quantique. Tout en maintenant le doute, son blog est un peu plus honnête et parle plutôt de “formation de physicienne”, tout en précisant le titre de sa thèse : “Variables cachées et Non-localité dans la Théorie Quantique”. La vérité, c’est que sa formation en tant que physicienne s’arrête au niveau de la licence (bachelor). Sa maîtrise (master) et son doctorat (PhD), elle les a fait en philosophie des sciences. Elle-même l’a admis sur Twitter … ce qui ne l’a pas empêché par la suite de continuer à tromper son monde. Et précisons au passage qu’être docteur en philosophie des sciences, ça n’équivaut pas du tout à être “docteur en physique quantique et en philosophie”, comme on le lit sur un ouvrage de Lionel Astruc, et à gauche à droite dans des médias reprenant aveuglément ce propos. C’est d’autant plus ironique que la validité scientifique des propos tenus par Vandana Shiva dans sa thèse semblent être largement remis en cause.
Cela veut-il dire que Vandana Shiva est en fait incompétente en physique ? Non, certainement pas. D’ailleurs, si je n’ai pas pu accéder à sa thèse , j’ai pu accéder à un article dont elle est coauteure . À vrai dire, je n’ai pas compris grand-chose, et je suis volontiers prêt à croire qu’un tel travail puisse nécessiter une certaine compréhension de la théorie quantique qu’il aborde. Par contre, lorsque l’activiste invoque la physique quantique dans les médias, je suis sûr d’une chose : ce qu’elle raconte est totalement à côté de la plaque. Ses termes les plus récurrents sont “non-localité”, “non-séparabilité” et “intrication quantique”. Par ces concepts, selon elle, la physique quantique montrerait que tout est lié – alors que “tout” n’a rien à faire là-dedans : l’intrication quantique, ça concerne typiquement un couple de particules. Pire, elle applique ce qu’elle aurait appris de la physique quantique à une échelle macroscopique, et les attentats de Paris du 13 novembre 2015 en seraient un exemple ! Pour elle, il s’agit là de l’“effet papillon”.
Alors oui, de nombreux éléments de ce monde s’affectent les uns les autres, souvent par des mécanismes insoupçonnés… Mais quel rapport avec la physique quantique ? Aucun. Les intrications entre divers événements, l’effet papillon, … Tout cela découle d’une succession de liens de cause à effet qui n’ont rien à voir avec la non-localité ou l’intrication quantique. Si le battement de papillon peut déclencher une tornade à l’autre bout de la planète, contrairement à ce que dit Vandana Shiva, c’est justement par les lois de la physique classique !
Pourquoi alors invoquer la physique quantique ? Sans affirmer que c’est recherché, je remarquerai que cela à un triple effet. Tout d’abord, évidemment, ça fait sérieux. De la poudre aux yeux de première qualité. Après tout, “personne ne comprend vraiment la physique quantique”, et la comprendre un peu reste exceptionnel, n’est-ce pas ? D’autant plus que cela lui permet de justifier son militantisme comme trouvant ses origines dans la science. Ensuite, l’invocation de cette théorie confère à Vandana Shiva une légitimité accrue : les enjeux en question aborderaient des notions avec lesquelles elle se serait familiarisée dans le cadre de sa thèse. Enfin, ça lui permet d’accuser le monde actuel d’être fondé sur une vision erronée car “mécaniste”.
Une utilisation bien réelle
Cette histoire de doctorat en physique quantique ne serait presque pas trop grave si Vandana Shiva se contentait d’employer des concepts en les déformant totalement. Le problème, c’est qu’elle use et abuse de son doctorat comme argument d’autorité. À la moindre occasion, il est évoqué. Qu’importe si la question qui lui est posée a un quelconque rapport avec la physique quantique ou ses études. Pire encore, sa scientificité est explicitement employée comme argument : elle s’exprime “en tant que physicienne quantique”.
Évidemment, elle n’ignore pas toute la polémique autours de ce titre usurpé de docteure en physique quantique. Toutefois, selon elle, elle serait orchestrée par l’industrie pour attenter à son image. De toute manière, à la lire, l’ensemble de ses détracteurs sont forcément des vendus, payés en sous-main par Monsanto et autres. Les critiques sont alors rejetées d’un revers de la main, quitte à s’arranger encore avec la vérité et l’intitulé de ses diplômes.
À juste titre, elle remarque toutefois à propos de ces mises au point sur ses qualifications : “Je ne vois pas en quoi cela me rendrait plus ou moins compétente pour mon travail sur un paradigme scientifique évolutif et écologique.” Effectivement, rejeter son argumentaire sous prétexte qu’elle n’est pas réellement docteure en physique quantique constituerait un ad hominem (?) des plus absurdes. Toutefois, personne ne fait ça, et l’on se contente de souligner une tromperie non moins intolérable. Mais surtout, voilà encore une situation particulièrement ironique, car ce que Vandana Shiva applique à elle-même, elle ne l’applique manifestement pas à autrui. Au contraire, elle utilise volontiers les diplômes de ses contradicteurs pour tenter d’invalider toute critique de leur part : untel a une licence en Histoire et Politique, unetelle une licence en Business et Marketing, comment osent-ils prétendre parler au nom de la science ?
Dans l’absurdité de la pensée à sens unique, la militante enfonce le clou dans un contexte déjà assez singulier : alors que Kavin Senapathy va publier un article au sujet de Vandana Shiva, elle contacte cette dernière par mail afin de lui offrir un droit de réponse. Plutôt que de répondre, la concernée a préféré se fendre d’un billet sur son blog, conspuant Kavin Senapathy, et ce avant même d’avoir pu jeter un œil à l’article en question. Lors de cette surprenante attaque, elle moque sa détractrice qui explique tenir ses connaissances de son environnement professionnel et de son travail personnel : “Kavin doit avoir une quantité d’énergie phénoménale” pour ainsi se tenir informée tout en menant son combat. … Et Vandana Shiva ?! Si cette remarque fait selon elle sens, alors elle peut tout autant être faite à son propos : comment Vandana Shiva trouve-t-elle le temps de se tenir à jour sur l’état de l’art tout en s’investissant dans son militantisme ? Encore une fois, deux poids, deux mesures. La vérité est d’une part qu’il n’est pas utile de connaître l’intégralité de la littérature scientifique pour émettre les critiques qu’émettent Kavin Senapathy et autres, d’autre part que la militante anti-OGM n’est pas elle-même parfaitement au fait des réalités qu’elle aborde.
Ainsi, dans son livre Stolen Harvest (Récole volée), elle n’hésite pas à écrire :
VO/VFThe danger that the terminator may spread to surrounding food crops or the natural environment is a serious one. The gradual spread of sterility in seeding plants would result in a global catastrophe that could eventually wipe out higher life forms, including humans, from the planet.
L’éventualité que le terminator puisse se propager aux champs environnants et à l’environnement naturel constitue un sérieux danger. La propagation progressive de la stérilité chez les plantes à graines mènerait à une catastrophe planétaire qui pourrait finir par anéantir de la surface de la planète des formes de vie supérieures, incluant l’humain.
Vandana ShivaStolen Harvest: The Hijacking of the Global Food Supply, Vandana Shiva, 2001
Nonobstant le fait que la technologie terminator n’est pas et ne sera probablement jamais utilisée, cette prophétie apocalyptique ne tient pas la route. Les bases de la théorie de l’évolution suffisent à comprendre l’absurdité du propos, comme l’explique Mark Lynas :
VO/VFYou don’t need the intelligence of a Richard Dawkins or indeed a Charles Darwin to understand that sterility is not a great selective advantage when it comes to reproduction, hence the regular observed failure of sterile couples to breed large numbers of children.
Vous n’avez pas besoin de l’intelligence de Richard Dawkins ou ici Charles Darwin pour comprendre que la stérilité n’est pas un grand avantage sélectif quand il s’agit de reproduction, d’où l’échec régulièrement observé des couples stériles à produire un large nombre d’enfants.
Mark Lynas“The Truth About Genetically Modified Food”, The Breakthrough, Mark Lynas, 06/05/2013
Ailleurs, elle choisit d’attaquer la pluralité de l’offre en cotons Bt en Inde, la jugeant mensongère car ne proposant qu’un seul et même produit, “du Bt”. En réalité, en 2007, déjà 135 variétés de coton Bt étaient autorisée en Inde. Surtout, si les premières années après l’autorisation du coton Bt en Inde en 2002, aucune variété disponible n’était adaptée au climat sec de certaines régions, des variétés plus adéquates sont apparues plus tard. Il est donc parfaitement faux d’affirmer qu’en fait, tous les cotons Bt sont identiques.
Plus généralement, alors que Vandana Shiva qualifie ses détracteurs de “négationnistes de la science” et les accuse d’“ignorer les preuves scientifiques” , elle-même rejette la science et ses preuves lorsque ces dernières ne s’accordent pas avec son récit. Tout comme les personnes, les études qui la contredisent sont systématiquement accusées d’être des tromperies financées par Monsanto. Il lui arrive toutefois de citer des études scientifiques… mais mieux vaut y jeter un œil averti.
Vandana Shiva, la main dans le sac
Fermiers indiens, suicides et coton Bt
En Inde, le suicide des agriculteurs est un réel problème de société. Il fait régulièrement les titres des journaux du pays, et ces informations sont parfois reprises à l’international. Diverses mesures gouvernementales, ont été prises pour tenter d’endiguer le problème, et on trouve même une page dédiée à ce sujet sur le Wikipedia anglophone . Pourquoi ces suicides ? De nombreux éléments sont mis en avant, nous y reviendrons. Mais une des hypothèses les plus récurrentes, une des plus ancrées dans l’imaginaire populaire occidental, c’est qu’il existe un lien entre ces suicides et l’introduction en Inde du coton Bt , un coton génétiquement modifié pour résister à certaines pestes dont notamment le ver rose du cotonnier. Nous le verrons, cette idée reçue est loin d’être avérée. Elle est pourtant suffisamment répandue pour justifier pour la réfuter une section à son sujet sur la page Wikipedia susmentionnée , ou encore une page dédiée sur le site de Monsanto . Plus généralement, en recherchant “indian farmers suicide” (“suicides fermiers indiens”) sur Google, parmi les 30 premiers résultats obtenus, un tiers font de leur sujet principal un lien avec le coton Bt (3 l’affirment, 7 le réfutent). (?)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que certains partisans de cette thèse n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Le Daily Mail titrait en 2008 : “Le génocide OGM” ; Natural News titrait lui en 2014 : “Près de 300 000 suicides en Inde jusque-là, à cause des échecs des champs OGM” . Ce chiffre, c’est en fait celui des suicides de fermiers indiens recensés depuis 1995 , et on peut se demander comment on peut tous les mettre sur les dos des OGM, surtout sachant que ces derniers n’ont été autorisés dans le pays qu’en 2002. Pourtant, cette manière de “compter” les victimes du coton Bt est assez récurrente.
Mais quel rapport avec Vandana Shiva ? Eh bien elle est très certainement l’émissaire principal de l’idée selon laquelle l’introduction du coton Bt en Inde a engendré une vague de suicides chez les fermiers indiens. Les “graines du suicide” sont un de ses sujets principaux , et réciproquement, elle en est la référence principale. C’en est au point où la page Wikipedia sur les suicides des fermiers indiens, bien qu’elle ne mentionne pas Vandana Shiva dans son texte, la place tout de même dans sa section “Voir aussi”. Lorsque l’on recherche sur Google “gm indian suicides” (“OGM suicides indiens”), sur les 30 premiers résultats obtenus, l’activiste est mentionnée dans trois quarts des pages soutenant un lien majeur entre les OGM et ces suicides, et deux tiers de celles réfutant ce lien. (?) On retrouve d’ailleurs chez elle le terme de “génocide”, et la tendance à inclure dans l’affaire la totalité des suicides depuis 1995. C’est toutefois moins extrême que dans les exemples susmentionnés. Sur le banc d’accusation, on trouve plus généralement Monsanto et ses OGM (pas juste les OGM), et les chiffres totaux des suicides sont simplement juxtaposés aux accusations. L’attribution de l’ensemble desdits suicides à Monsanto ne se fait que chez le lecteur un peu trop prompt à conclure en ce sens.
À écouter Vandana Shiva, l’affaire est claire. Le coton Bt n’aurait pas participé à une augmentation de rendements ou de bénéfices quels qu’ils soient , et surtout il serait responsable de très nombreux suicides chez les fermiers indiens. Cette dernière assertion, elle la répète à la fin de sa “réponse” a priori à l’article de Kavin Senapathy, prophétisant une remarque qui ne sera pas faite :
VO/VF[Kavin Senapathy will say that] Bt Cotton has not contributed to Farmer Suicides. False again.
[Kavin Senapathy va dire que] le coton Bt n’a pas contribué aux Suicides de Fermiers. Encore faux.
Vandana Shiva
En lien, pour soutenir son propos, une étude sur laquelle nous allons maintenant nous pencher : “Bt Cotton and Farmer Suicides in India” (“Coton Bt et suicides fermiers en Inde”), G. P. Gruère et al., 2008.
La réalité des faits
Autant le dire tout de suite, cette étude est certainement la publication la plus fascinante qu’il m’ait été donné de lire au sujet des suicides des fermiers indiens. Je la conseille à toute personne intéressée par la question, et je reviendrai très certainement dessus dans un article futur. Il s’agit d’une revue de données qui, sur une quarantaine de pages (hors annexes), analyse la situation de manière développée et pédagogique. Les conclusions sont justifiées sans absolus, et on ne s’arrête pas à la seule implication des OGM. Les réalités économiques et sociales, les disparités régionales… C’est une présentation relativement complète qui est faite. Niveau sources, on fait dans l’exhaustivité et on ne se contente pas des études scientifiques préexistantes : “des rapports officiels ou non, des articles de journaux avec revue par les pairs, des études publiées, des extraits des médias d’informations, des articles de magazines, des émissions radiophoniques d’Inde, d’Asie, et des sources internationales”.
Pour ce qui est de l’implication éventuelle du coton Bt dans les suicides des fermiers indiens, les conclusions sont claires et synthétisées dans le troisième paragraphe du résumé introductif :
VO/VFWe first show that there is no evidence in available data of a “resurgence” of farmer suicides in India in [years 2002 to 2007]. Second, we find that Bt cotton technology has been very effective overall in India. However, the context in which Bt cotton was introduced has generated disappointing results in some particular districts and seasons. Third, our analysis clearly shows that Bt cotton is neither a necessary nor a sufficient condition for the occurrence of farmer suicides. In contrast, many other factors have likely played a prominent role. Nevertheless, in specific regions and years, where Bt cotton may have indirectly contributed to farmer indebtedness, leading to suicides, its failure was mainly the result of the context or environment in which it was planted.
Premièrement, nous montrons qu’il n’y a aucune preuve parmi les données disponibles d’une “résurgence” des suicides de fermiers en Inde [durant les années 2002 à 2007]. Deuxièmement, nous trouvons que le coton Bt a été globalement très efficace en Inde. Toutefois, le contexte dans lequel le coton Bt a été introduit a généré des résultats décevants pour certains districts et saisons particuliers. Troisièmement, notre analyse montre clairement que le coton Bt n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante à l’occurrence de suicides de fermiers. A contrario, de nombreux autres facteurs ont probablement joué un rôle proéminent. Néanmoins, dans des régions et années spécifiques où le coton Bt a pu être indirectement contribué à l’endettement des fermiers menant à des suicides, son échec est surtout le résultat du contexte ou de l’environnement dans lequel il a été planté.
Développons un peu ces trois points, en commençant donc par nous intéresser aux à l’évolution des taux de suicides concernés depuis l’introduction du coton Bt. À l’échelle nationale, on a en réalité les nombres suivants :
Selon les termes de l’étude :
VO/VFThree clear conclusions emerge from Figure 11: (1) there is no observed correspondence (or causality) between the national Bt cotton adoption rate and farmer suicides, (2) the annual growth in suicides actually diminishes after the introduction of Bt cotton, (3) the two more recent peaks in farmer suicides in 2002 and 2004 happened during years when adoption of Bt cotton was limited.
La Figure 11 révèle trois conclusions claires : (1) on n’observe pas de correspondance (ou de causalité) entre le taux national d’adoption du coton Bt et les suicides de fermiers, (2) l’augmentation annuelle des suicides a en fait diminué après l’introduction du coton Bt, (3) les deux pics plus récents de suicides fermiers en 2002 et 2004 sont advenus alors que l’adoption du coton Bt était limitée.
Évidemment, si ces résultats sont valides à l’échelle nationale, ils demeurent des disparités régionales, notamment dans les deux états les plus cités contre le coton Bt : Maharashtra et Andhra Pradesh. En effet, à Maharashtra, le taux de suicides a continué à croitre. Toutefois, on remarque un ralentissement de cette croissance alors que le coton Bt commençait à être adopté. La situation est moins claire à Andhra Pradesh, où la courbe du taux de suicides est bien plus chaotique. On y note un saut en 2004, alors que le coton Bt commençait à être utilisé. Toutefois, cette utilisation était très limitée et n’a réellement explosé qu’en 2006, sans impact notoire sur les suicides. Difficile alors de conclure quoi que ce soit sur cette région.
Quoi qu’il en soit, parler d’une vague de suicides suite à l’adoption du coton Bt n’est pas franchement factuel. Globalement, la situation s’est en fait améliorée, ce qui nous mène donc au deuxième point : la réussite (relative) du coton Bt. Tout d’abord, il faut noter, depuis l’adoption du coton Bt, une augmentation significative des rendements, comme le montre le diagramme suivant :
Par ailleurs, le Bt – c’est son but – est intrinsèquement protégé contre certains insectes ravageurs, notamment le ver rose du coton. (Nous n’aborderons pas ici l’apparition d’une résistance et la seconde génération de coton Bt, postérieures à la période analysée par l’étude présentée.) En a résulté une baisse d’utilisation des pesticides. Or il faut savoir que le coton est une exploitation extrêmement coûteuse en termes de produits phytosanitaires. Elle consommait 45% des pesticides du pays alors même que seulement 5% de la surface agricole lui était dédiée. Ces pesticides représentent près de la moitié des coûts de production du coton. Ainsi malgré des graines plus chères, une baisse des coûts en pesticides couplée à une augmentation des rendements ont permis une augmentation significative des bénéfices.
Là encore, la situation n’est toutefois pas si simple et uniforme. Certains suicides ont effectivement pu être liés plus ou moins indirectement au coton Bt. Notons tout d’abord que toutes les régions d’Inde ne sont pas égales en termes de climat et d’irrigation. Or le coton est une culture exigeante. Les premières années, il n’existait pas de variétés de coton Bt adaptées à une culture pluviale (sans irrigation) sous un climat relativement sec (d’où notamment l’adoption tardive précédemment mentionnée du Bt à Andhra Pradesh). Malheureusement, le manque d’informations et l’espoir ont poussé certains fermiers des régions concernées à se jeter prématurément sur cette technologie. En ont découlé des résultats décevants. En plus de rendements limités, la qualité de la fibre obtenue a été impactée, ce qui s’est ressenti dans les prix de vente.
Le manque d’informations et les espoirs excessifs n’ont d’ailleurs pas impacté que les régions difficiles et le choix des variétés plantées. Peu au point sur les stratégies optimales de production de coton Bt, certains fermiers ont continué à utiliser le même programme d’épandages, plutôt que de l’adapter pour diminuer les coûts en insecticides en ciblant les pestes secondaires non concernées par le Bt. Les coûts étaient alors considérablement accrus, mais ces fermiers investissaient, surestimant les performances du coton Bt. Ces dépenses pouvaient alors être trop élevés pour être compensés par l’amélioration du rendement. Ce problème d’engouement excessif et de manque d’informations a par ailleurs été reconnu par Deepak Pental, ancien vice-chancelier de l’Université de Delhi : “Nous avons fait une erreur avec la propagande excessive des produits génétiquement modifiés, disant que cette technologie résoudrait tous les problèmes. L’engouement nous a fait du mal.” À ce sujet, l’étude reproche avant tout un manque de programme d’information de la part du gouvernement indien, mais souligne tout de même une amélioration de la situation.
Une dernière source d’échecs rattachés au coton Bt est l’existence d’un marché de fausses graines Bt, favorisé par des prix initialement élevés (plus du quintuple du prix des variétés hybrides locales), et facilité par la confusion engendrée par l’autorisation de nombreuses variétés OGM. Les sacs alors vendus mélangeaient typiquement des graines Bt, non Bt, et même des variétés non autorisées, et menaient à des résultats variables et souvent déficitaires.
Dans l’ensemble des cas susmentionnés, les échecs n’étaient pas liés directement à la technologie OGM elle-même, mais à une utilisation inappropriée. On aurait eu tort de ne considérer que la technologie. De même, on aurait tort de ne considérer que les rendements des champs pour comprendre la problématique des suicides chez les fermiers indiens ; ce qui nous mène à notre dernier point : le contexte agricole et social.
Tout d’abord, le rapport souligne une transition d’une agriculture alimentaire vers une agriculture financière : on cesse de cultiver des denrées comestibles en faveur du coton, permettant plus de bénéfices. Toutefois, c’est une culture exigeante, imposant de surcroît des coûts d’investissements élevés du fait des besoins en pesticides. Le pari est donc risqué. Il ne serait pas si problématique si une certaine diversification était maintenue. Sans cela, tout échec, par exemple pour cause de sècheresse, peut pousser le fermier dans la détresse financière. Le risque est d’autant plus grand que cette transition vers une agriculture plus enrichissante ne s’est pas nécessairement accompagné d’une amélioration des systèmes d’irrigation, pourtant lacunaire dans certaines régions. C’est notamment le cas dans les états de Andhra Pradesh et Maharashtra.
VO/VFWe want to live better. We want to buy equipment. But when the crop fails we cannot pay.
Nous voulons vivre mieux. Nous voulons acheter des équipements. Mais quand les récoltes échouent, nous ne pouvons pas payer.
Narhari Pawar, agriculteur indien
Par ailleurs, les fermiers indiens souffrent d’un considérable manque d’accès aux crédits institutionnels. Ils sont donc poussés dans les mains de prêteurs sur gage privés, pratiquant des taux d’intérêt conséquents de 24-36% (voire semble-t-il 50-60% dans certaines localités). Ce rôle de prêteurs a d’ailleurs été pris en grande partie par les vendeurs de graines et de pesticides eux-même. Ce problème est exacerbé par l’absence de programmes d’assurance pour les récoltes, enfermant les fermiers dans leur dette en cas d’échec.
Il faut de plus prendre en compte la pression sociale liée à l’endettement, du fait notamment d’une part de la perte de rang social, d’autre part de la pression imposée par les créanciers en demande de remboursement. Plus récemment, l’implication de maladies mentales préexistantes a aussi été mise en cause. Dans une telle situation d’endettement, le sacrifice apparaît alors comme un moyen de rétablir la situation pour le reste de la famille ; et en 2007, la décision du gouvernement d’offrir une compensation financière aux familles des victimes n’a certainement pas arrangé les choses.
Enfin, un dernier point est l’accès simplifié à des pesticides extrêmement toxiques. Alors que les militants voient souvent un message dans l’utilisation des pesticides pour se suicider, il faut être plus pragmatique. Ils sont un moyen efficace de se donner la mort, et leur accessibilité rend justement le suicide plus facile, favorisant ainsi le passage à l’acte.
Retour à Vandana Shiva
Ainsi donc, le coton Bt a joué un rôle dans des suicides de fermiers indiens, mais un rôle relativement indirect. Plutôt que cause, il n’était qu’un élément parmi d’autres dans un contexte agricole, technique, économique et social complexe. Surtout, ces suicides liés au coton Bt sont loin d’être représentatifs de l’impact de cette technologie. Qu’il s’agisse de l’inexistence de variétés adaptées à certaines régions, ou des connaissances insuffisantes de la technologie par les fermiers, la situation a rapidement changé. Globalement, au moins sur la période analysée ici, le coton Bt a été une réussite.
Semblant répondre à Vandana Shiva et aux militants reprenant et exagérant ses propos, l’étude conclut donc (emphase ajoutée) :
VO/VFOur analysis is sufficiently well documented to discredit the possibility of a naïve direct causal or reciprocal relationship between Bt cotton and farmer suicides. […] The trend in farmer suicides in India appears to have slowed down since the year when Bt cotton was introduced, which would certainly not have happened if Bt cotton were responsible for increasing farmer suicides. […] Therefore, it is not only inaccurate but simply wrong to blame the use of Bt cotton as the primary cause of farmer suicides in India. In fact, our overview of the evidence suggests that Bt cotton has been quite successful in most states and years in India, contributing to an impressive leap in average cotton yields, as well as a decrease in pesticide use and an increase in farmer revenues.
Notre analyse est suffisamment bien documentée pour discréditer l’éventualité d’une relation directe causale ou réciproque naïve entre le coton Bt et les suicides des fermiers. […] La tendance dans les suicides de fermiers en Inde semble s’être ralentie depuis l’année où le coton Bt a été introduit, ce qui n’aurait certainement pas été le cas si le coton Bt avait été responsable d’une augmentation des suicides fermiers. […] Ainsi, ce n’est pas seulement imprécis mais simplement faux d’accuser l’utilisation du coton Bt d’être la cause principale des suicides fermiers en Inde. En fait, notre revue des preuves suggère que le coton Bt a plutôt été un succès dans la plupart des états et des années en Inde, contribuant à un saut impressionnant dans les rendements de coton, ainsi qu’à une baisse de l’utilisation des pesticides et une augmentation des revenus des fermiers.
Ces résultats étaient d’ailleurs tout à fait attendus. Les fermiers indiens se parlent, voient les réussites et les échecs de leurs voisins. Si le coton Bt avait été une telle machine à désastres, il n’aurait pas eu un tel succès : en 2011, 88% du coton cultivé dans le pays était du coton Bt. Comme le souligne le politologue Ronald Herring : “Difficile d’imaginer que les fermiers répandraient une technologie qui les tuerait littéralement.”
Mais que penser alors de l’utilisation de cette étude par Vandana Shiva ? Je ne vois personnellement que quatre possibilités :
- Soit elle n’a pas lu l’étude, et même pas son résumé introductif puisque ce dernier, dès le troisième paragraphe, invalide le propos tenu par Vandana Shiva de manière plus ou moins explicite dans l’ensemble des médias.
- Soit elle l’a lue, mais avec des biais tels sur la question qu’elle n’a su voir qu’une confirmation de ses idées.
- Soit elle espère que l’on ne va pas trop creuser cette source qu’elle fournit.
- Soit, comme pour son doctorat, elle joue sur des formulations ambiguës. En effet, le propos soutenu par cette référence est “Bt Cotton has contributed to Farmer Suicides”. Dans la continuité des idées de l’activiste, on le lit aisément comme “le coton Bt a contribué aux Suicides Fermiers”, tout en supposant une contribution causale significative ; mais on peut aussi y lire que “le coton Bt a contribué à des Suicides Fermiers”, avec une perception plus faible du concept de contribution.
Je ne saurai trancher entre ces hypothèses, et peut-être en oublie-je. Quoi qu’il en soit, cette source que cite l’activiste est en contradiction avec son discours habituel ; pourtant ce discours reste inchangé.
Conclusion
Vandana Shiva est largement écoutée et respectée. Elle a forgé et forge une partie non négligeable des argumentaires anti-OGM et anti-Monsanto. Elle est écoutée en tant que scientifique de haut vol, alors même que ses titres sont fantasmés et ses propos loin de la science. Elle est écoutée en tant qu’écoféministe, malgré un progressisme et un féminisme plus que relatifs. Enfin, elle est écoutée en tant qu’indienne, mais ce serait oublier les disparités sociales qui jalonnent ce monde.
Évidemment, il faut écouter Vandana Shiva ; mais il ne faut pas pour autant la croire sur parole. Les données qu’elle avance, les faits, doivent être confirmés par des sources – sources qu’il faut par ailleurs vérifier car il est aisé de mentionner des titres sans que le contenu ne corrobore les propos tenus. Que l’activiste se dise scientifique ne rend pas ses affirmations scientifiques : ce qu’il faudrait pour cela, c’est se fonder sur la littérature scientifique elle-même.
Ce devoir de vigilance ne s’applique pas qu’envers Vandana Shiva. Il s’applique envers tout le monde. Vandana Shiva n’est qu’un exemple, un cas caractéristique, extrême même. Le cas extrême d’une confiance indue, facilitant la propagation d’idées aux impacts dramatiques. Chaque année, les carences en vitamine A rendent aveugles un demi-million d’enfants. Un riz génétiquement modifié, le “riz doré”, a été créé pour permettre de lutter contre ces carences. Il est près depuis plus de dix ans. Pourtant, du fait du militantisme anti-OGM, il est systématiquement rejeté par les pays concernés. Rien qu’en Inde, on estime que cette interdiction a déjà coûté 1 424 680 années-vies. Quant aux fermiers indiens, on peut se demander s’il est acceptable qu’une riche intellectuelle et des militants occidentaux bien nourris cherchent à ôter de leurs mains une technologie leur permettant de gagner plus tout en s’intoxicant moins. Car parmi ces fermiers, il y en a des bien heureux pour leur santé d’épandre moins de pesticides , et ceux-là même demandent :
VO/VFWhy do rich people tell us to plant crops that will ruin our farms? Bt cotton is the only positive part of farming. It has changed our lives. Without it, we would have no crops. Nothing.
Pourquoi des riches nous disent-ils de planter des champs qui ruineront nos fermes ? Le coton Bt est la seule chose positive dans l’agriculture. Il a changé nos vies. Sans lui, nous n’aurions pas de récoltes. Rien.
Narhari Pawar, agriculteur indien
Alors attention. Ne vous contentez pas de la fiabilité apparente d’un intervenant pour construire votre vision du monde. Demandez des preuves. D’autant qu’il n’est pas nécessaire d’être de mauvaise volonté pour tromper le monde. Un combat erroné peut être mené en étant certain de faire le bien, et de tels combattants n’en sont que plus dangereux. Pour Mark Lynas, ancien militant anti-OGM déconverti, Vandana Shiva n’est pas nécessairement malhonnête, mais convaincue et aveuglée :
VO/VFWhen you call somebody a fraud, that suggests the person knows she is lying. I don’t think Vandana Shiva necessarily knows that. But she is blinded by her ideology and her political beliefs. That is why she is so effective and so dangerous.
Quand vous appelez quelqu’un escroc, cela suggère que cette personne sait qu’elle ment. Je ne pense pas que Vandana Shiva le sache forcément. Mais elle est aveuglée par son idéologie et ses croyances politiques. C’est ce qui la rend si efficace et si dangereuse.
Mark Lynas
- “Bt Cotton and Farmer Suicides in India”, G. P. Gruère et al., International Food Policy Research Institute, 2008★★★★★
L’étude mentionnée par Vandana Shiva, analysant l’éventualité d’un lien entre coton Bt et suicides des fermiers indiens. (En anglais) - “Rural Poverty and Impoverished Theory: Cultural Populism, Ecofeminism, and Global Justice”, Regina Cochrane, The Journal of Peasant Studies, 2007★★★★★
Une critique approfondie des concepts de “perception culturelle de la pauvreté” et d’“écoféminisme” de Vandana Shiva. (En anglais)
Une version plus courte est disponible gratuitement ici. - “The GMO-Suicide Myth”, Keith Kloor, Issues in science and technology, hiver 2014★★★★☆
Une critique du mythe accusant le coton Bt d’être responsable d’une vague de suicides chez les fermiers indiens. (En anglais) - “Vandana Shiva Achieves Amazing Feat Of Appropriating Her Own Culture”, Kavin Senapathy, Forbes, 03/11/2015★★★★☆
Kavin Senapathy sur la réappropriation de la culture indienne par Vandana Shiva. (En anglais) - “Seeds of doubt”, Michael Specter, The New Yorker, 25/08/2014★★★★☆
Une critique de Vandana Shiva par Michael Specter, rendu en Inde pour interroger les producteurs locaux. (En anglais) - “Vandana Shiva: ‘Rock Star’ of GMO protest movement has anti-science history”, Genetic Litteracy Project, 01/09/2015★★★☆☆
Un topo critique sur Vandana Shiva et ses activités. (En anglais)
Merci pour ce super article, je l’attendais avec impatience 😉 il est vraiment bien sourcé (c’est le moins qu’on puisse dire), et le système de notes rend la lecture très agréable je trouve ! Ce qui est appréciable, ça évite le côté trop lourd de certains articles qui multiplient les références.
Histoire de pinailler, y’a juste un passage qui m’intrigue :
« Si le coton Bt avait été une telle machine à désastres, il n’aurait pas eu un tel succès : en 2011, 88% du coton cultivé dans le pays était du coton Bt. [47] [56] Comme le souligne le politologue Ronald Herring : “Difficile d’imaginer que les fermiers répandraient une technologie qui les tuerait littéralement »
Est- ce qu’il y a pas des exemples où justement des technologies avec un impact négatif se sont quand même répandues et ont été très utilisées ? C’est tentant de répondre que par exemple, pendant la période où le tabac était le plus utilisé, on entendait aussi ce type d’argument : quelque chose qui a autant de succès ne peut pas faire de mal. Maintenant là c’est vrai qu’on ne parle pas d’impact sanitaire mais davantage de production, et que tu donnes les sources là dessus tout au long de l’article 🙂
Il y a effectivement des exemples où une technologie avec un impact négatif s’est répandue. Toutefois, l’impact n’était pas si visible que ce que présente l’argumentaire des “graines du suicides”. L’exemple du tabac est justement un bon exemple : l’impact du tabac n’est pas évident. Il tue en dégradant progressivement la santé, en donnant le cancer… On ne fait pas le lien direct entre le tabac et ces troubles de la santés. De même, certaines techniques agricoles peuvent s’étendre avant que l’on ne repère un impact sanitaire ou écologique… ou même un impact sur les rendements eux-mêmes après quelques années !
Mais là c’est différent : le récit est que le coton Bt n’aurait pas un tel rendement, ne générerait pas autant de bénéfices, et mèneraient à la ruine et aux suicides de fermiers. C’est bien un lien de causalité assez direct et observable qui est prétendu. Et c’est en ce sens que la remarque sur le succès du Bt est valide. Ce succès ne permet pas de déduire qu’il n’y a pas d’impact délétère insidieux, mais il permet en revanche d’affirmer que le lien si direct affirmé entre coton Bt et suicides des fermiers ne tient pas debout.
Y a peut-etre d’autres solutions que les OGM sinon?
Est-ce une raison pour rejeter les OGM, qui ont eu un impact positif manifeste chez les cultivateurs indiens ? Pourquoi ne pas utiliser tout ce qui est disponible ?
Et, plus important, cet article se centre sur Vandana Shiva et la confiance lui étant octroyée. (Et j’aimerai d’ailleurs qu’on ne dérive pas trop sur la question des OGM eux-même, qui ne sont pas le sujet même de l’article.) Qu’il y ai des solutions autres que les OGM justifie-t-il de répandre des contre-vérités à leur sujet ?
Merci pour cet article fascinant, superbement documenté. Je découvre ce site par cet article et je vais de ce pas aller regarder les autres!
Soit dit en passant j’adore la mise en page, les citations VF/VO par survol de la souris. La forme est aussi belle que le fond.
Utilisez-vous un CMS particulier où est-ce du fait-maison?
Bon courage pour les prochains articles.
C’est fait maison en partant du thème WordPress par défaut. Quand j’ai commencé à bosser sur cet article, je me suis dit que j’aurai vraiment besoin d’implémenter ces fonctionnalités. En tout cas merci beaucoup. 😀
Pour reprendre argument par argument :
1 – l’argument elle prétend soutenir les pauvres alors qu’elle est riche et cultivée.
Certes, c’est le mal éternel des sans-voix à qui on ne donne pas le micro. Le problème de tous les sociologues intellectuels, ou militants qui travaillent avec des pauvres, des étrangers, des sans abris, des ruraux, des qu’ont pas fait d’étude. Ce sont des sans voix, qui n’ont pas l’habitude de parler fort, qui sont pas à l’aise pour le faire immédiatement. Et que t’es pas légitime pour être leur porte parole mais sinon ils en ont pas.
ALors oui, c’est une riche universitaire qui s’intéresse aux pauvres.
Comme Bourdieu, Sartre et 99% des intellectuels qui disent des choses intéressantes.
2- La pauvreté.
Il faut dissocier misère et pauvreté. Souffrir de manque permanent ou avoir peu d’argent. La critique de Shiva, qu’on retrouve aussi beaucoup chez Serge Latouche, mais aussi Thoreau il y a plus longtemps et tous ceux qui pronent la simplicité volontaire. Une remise en question de la société de consommation et du bonheur promulgué par l’argent et la possession. Modèle abondamment vanté, notamment dans les pays du Sud, et chez nos pauvres à nous, à qui on a promis le bonheur et la joie par la conso. Et on se rend compte maintenant que ça va pas marcher, alors s’ils voulaient bien renoncer à faire comme nous ce serait pas mal.
Et shiva, ce qu’elle prone, avec l’agriculture de subsistance, c’est avant tout l’autonomie alimentaire des petits. Qu’il vaut mieux autonomie sans endettement. Que endettement et contrat avec des grosses firmes qui les oblige à entrer et rester dans un certain modèle qui ne fonctionne pas.
Mais c’est a même en france. Le paradoxe de tous les gros agriculteurs hyper modernes avec pleins de machines, mais qui ont faim et font des grèves et brulent des pneus parce qu’ils sont surendettés avec leur machines, obligés de racheter des intrants et des semences tous les ans, liés à la bourse et au prix des matières premières.
Quand les petits, sont plus indépendants, font de moins gros chiffres d’affaires mais résistent mieux aux crises. Mais sortir de ce modèle c’est dur.
Et shiva, me semble-t-il veut l’ascèse pour sa caste, les riches, comme Latouche pour nous. Apprendre à faire avec moins. Et un développement autre, non basé sur une croissance infinie, la productivité et la consommation pour les plus pauvres.
3 – elle se revendique de Gandhi mais c’est pas une vraie non violente.
Détruire un champ d’OGM et des locaux.. La philosphie non violente ne reconnait pas le sabotage comme un mode d’action violent. Est violent ce qui atteint la dignité humaine, l’attaque à la personne.
» La non-violence, disait Gandhi, ne consiste pas à ’s’abstenir de tout combat réel, face à la méchanceté’. Au contraire, c’est une forme de lutte plus énergique et plus authentique que la simple loi du talion, qui aboutit à multiplier par deux la méchanceté « (THF)… » Je n’hésite pas à dire que là où existe seulement le choix entre la lâcheté et la violence, il faut se décider pour la solution violente « (THF).
4 – Gandhi n’aimait les castes. Ben oui, il est indien. Et il est né en 1869. Encore aujourd’hui remettre en question l’existence des castes c’est pas évident. C’est un truc d’occidental un peu facile: les castes c’est l’inégalité, supprimons les castes. Le voile c’est la soumission de la femme supprimons le voile.
C’est peut être un peu plus compliqué en terme de décennies de culture, d’identité, d’organisation toute entière de la société qui passent par là. Vouloir l’égalité entre les castes, en pleine remise en question de la colonisation, et supprimer celle qui crée un statut indigne, c’est déjà pas mal pour le XIX siècle non ?
5 – l’auteur africain qu’elle site il est même pas africain mais allemand et il site un politique. Bon c’est très mal de ne pas citer ses sources. D’ailleurs votre article est particulièrement bien sourcé, ce qui est très très appréciable. Mais l’article site un autre article qui dit : elle reprend « certainement ». Et oui, on sait pas, on sait pas, et cette distinction moi j’en connais d’autres qui la font. Le mieux ce serait de lui demander à elle. En attendant c’est bête de faire des supposition sans savoir, on sait pas qui c’est mais ça se trouve c’est un allemand – -« .
6 – Voir point 2. De ce que j’ai lu et entendu d’elle, l’ascèse et le dénuement qu’elle veut, c’est pour les plus riches, avec un développement autre pour les plus pauvres. Mais je suis pas experte, j’ai pas lu tout ce qu’elle a écrit.
7 – Re elle est riche et elle dit de faire une agriculture pas rentable. Comme en France où les gros qui font des gros Chiffres d’Affaire, sont ultra subventionnés, et surendettés et si on recalcule c’est pas si rentable, et on commence à s’en rendre compte, mieux vaut être moins gros et moins vulnérable aux multinationales, à la baisse des subventions, aux intrants. La monoculture c’est facile ça va plus vite mais finalement, si on calcule tout est ce que c’est plus rentable ? C’est la même question qu’ici.
8 – C’est pas une vraie féministe. Si, c’est une féministe essentialiste, comme la moitié du MLF à sa création en France derrière Antoinette Fouque qui la première pronait l’existence d’une libido féminine. C’est pas avec cette branche que j’ai le plus d’affinité. Mais souvent aujourd’hui il y a un mélange des deux. La revendication de valeurs féminines – mais qui ne sont pas lié au genre revendiqué, les hommes peuvent avoir des valeurs féminines et inversement, liée à l’accueil de l’autre issu de la gestation bref mais encore ne fois c’est pas que les femmes et ça veut pas dire que les femmes sont faites pour faire des enfants. Et souvent c’est aussi lié à une revendication égalitaire, les femmes veulent avoir le même pouvoir que les hommes, mais pas forcément faire les mêmes conneries 🙂
9 – La comparaison du viol avec la contamination, oui je trouve ça nul. En même temps vu le nombre de personnes que je connais qui m’ont raconté avoir vécu leur cambriolage comme un viol… Ca aurait été plus intelligent de dire que le viol collectif c’est mal.
10 – Elle se présente comme scientifique ou philosophe alors qu’elle a qu’une licence de physique et une thèse en philosophie des sciences. Après est ce que c’est seulement après une thèse qu’on maitrise un sujet ? Sachant que chez nous, en plus, ça n’existe pas la philosophie des sciences ce qui est tout de même un peu regrettable.., Pour traiter des objectifs et conséquences de l’usage d’une technologie dans une société, je ne suis pas sure qu’une thèse en physique soit plus appropriée qu’une thèse en philosophie des sciences.
11 – Elle fait des liens débiles de causalité en physique cantique : euh moi je trouve que ça ressemble plutôt à de la géopolitique. On fait des conneries pour du pétrole et des ressources pas chères en Afrique et après on s’étonne de récupérer des réfugiés, la citation qui va avec c’est ça :
« Les sols sont détruits en Syrie, le Lac Tchad s’évapore et disparaît, en 2009 il y a eu une sécheresse, puis il y a une crise des réfugiés en Syrie, les paysans sont obligés de quitter leur Terre, puis viennent les conflits armés puis viennent les attentats de Paris. Eh bien tout est lié parce que nous vivons sur une planète vivante. »
Après j’y connais en rien en physique cantique et encore moins en philosophie de la physique cantique. C’est probable qu’elle se serve du titre de docteur pour avoir de la légitimité à être écoutée et c’est pas très bien.
12 – Dans l’ensemble des cas susmentionnés, les échecs n’étaient pas liés directement à la technologie OGM elle-même, mais à une utilisation inappropriée.
Oui, encore un fois, c’est rarement l’OGM en tant que technologie même qui est critiqué, mais son utilisation et le système qui va avec, c’est exactement ce que dit Shiva. Cet article présente la surconsommation, l’engouement, la mono-culture, les erreurs de semences, l’endettement auprès de prêteurs sur gage comme des accidents non liés à la technologie OGM. Mais ce que dit Shiva c’est que ça participe d’un même système qui est mauvais, l’un ne va pas sans l’autre. Aujourd’hui on ne peu pas cultiver du coton BT en Inde sans passer par là.
c’est indirect parce que c’est les OGM dans leur contexte. Mais dans quel cas on pourrait dire que c’est les OGM alors ?
LE contexte de la phrase, c’est : non ‘est pas à cause du Bt qu’ils se suicident : Néanmoins, dans des régions et années spécifiques où le coton Bt a pu être indirectement contribué à l’endettement des fermiers menant à des suicides, son échec est surtout le résultat du contexte ou de l’environnement dans lequel il a été planté.
“Bt Cotton and Farmer Suicides in India”, G. P. Gruère et al., International Food Policy Research Institute, 2008
Mais c’est quoi sinon ? ils font des cauchemars en voyant les sacs qui les poussent au suicide ? on sait bien que c’est pas de voir, de toucher ou de bouffer l’ogm directement qui l’a tué. C’est donc une cause indirecte, puisque de fait, le mec il s’est tué tout seul.
Ce serait quoi alors un suicide directement lié à l’OGM? un truc irrationnel où il reçoit le sac, il est pas endetté, son sol est pas pourri par les années de pesticides et de monoculture, il fait pas de la monoculture et donc n’est pas lié un seul semencier qui peut faire ce qu’il veut et qui a reconnu que ce qu’il vendait était inefficace dans certaines régions, que l’adaptation des insectes était normal, bref tout va pour le mieux, et là il reçoit le sac et paf il se suicide.
Non mais soyons sérieux. Je trouve justement que là c’est flagrant que de dire c’est lié aux OGM ça veut dire à leur contexte. Il serait questions de morts, je dis pas, mais on parle de suicides;
Dire il y autant de suicides que avant ça ne marche pas forcément.
Parce qu’il faudrait connaitre les causes principales des suicides avant et savoir si elles ont été résolues ou pas. Ou si ça concerne des population qui n’étaient pas touchées, etc
Donc pour moi, Vandana Shiva a lu cette étude, ne répond à aucune des 4 points proposé, mais trouve que la réponse « Les OGM ne sont pas responsables, ou alors que très indirectement » ne convient pas, parce que le « indirectement » est permis par la dissociation de choses indissociables.
Je vais vous reprendre points pas point.
• 1 –
Vous abordez là “l’argument elle prétend soutenir les pauvres alors qu’elle est riche et cultivée.”
Votre “résumé” me semble avoir un ton bien accusateur, avec l’utilisation du verbe “prétendre”. Précisons que l’article ne nie en aucun cas que Vandana Shiva puisse vouloir effectivement défendre les pauvres. Il ne présume pas ainsi de ses motivations. Il n’affirme pas non plus que sa distance à ce milieu là rend incapable d’en parler. Il se contente de souligner qu’il ne faut pas oublié qu’elle n’est pas de ce milieu, et que ce qu’elle dit au nom des fermiers n’est pas nécessairement ceux qu’eux-même diraient. Pour cause, des fermiers indiens interviewés par Michael Specter se plaignent de discours tels que celui de Vandana Shiva. L’article y fait mention.
• 2 –
“Il faut dissocier misère et pauvreté”, et… Seriez-vous passé outre toute la critique du concept de “perception culturelle de la pauvreté” ? Est-ce suffisant pour éloigner les fermiers d’une technologie accroissant leurs bénéfices et leur niveau de vie, participant ainsi à réduire l’insécurité alimentaire ?
Oui, “il vaut mieux autonomie sans endettement”, du moins sans endettement tel que sa vie soit en péril. Bien sûr, il faut assurer la capacité à se nourrir en cas d’échec. Cet article souligne d’ailleurs l’importance de diversifier les cultures, le danger à ne reposer que sur des cultures financières risquées Mais il y a un faussé entre assurer sa subsistance et rester dans la subsistance. Le rejet total des méthodes modernes ainsi que des cultures financières permettant aux fermiers de sortir de la subsistance est une autre extrême bien dérangeante.
(Quant à l’idée que Shive veuille “l’ascèse pour sa caste” : en demandant 40 000 $ pour une intervention publique avec en plus le voyage en classe affaire, elle me donne l’impression d’avoir une version de l’ascèse plutôt … originale.)
• 3 –
Vous mentionnez ma remise en cause de sa “non-violence”. C’était un tout petit point de l’article. Vous mentionnez de la destruction d’un champ OGM… Je trouve plus parlant l’exemple de l’incendie criminel d’un bâtiment universitaire.
Quoi qu’il en soit, la remarque avait moins pour but de remettre en cause l’adhésion de Vandana Shiva à Gandhi (largement admise), que de préciser un peu la “non-violence” de Vandana Shiva.
• 4 –
Honnêtement, je ne comprends pas l’intérêt de vos remarques sur l’amour de Gandhi pour les castes, qui m’apparaissant comme une justification socio-culturelle de sa position. Je ne vois pas parce que le but des cette section n’est pas de juger Gandhi mais d’expliquer au lecteur que l’égalitarisme de Gandhi est loin de ce que l’on imagine aujourd’hui. Il s’agit de rappeler les idées de Gandhi, à l’heure où celles-ci sont largement fantasmées dans le cadre d’une idolâtrie ayant pas mal dévié de la réalité. Par ailleurs, rappelons pour compléter vos propos qu’à la même époque, on trouvait aussi le leader dalit B. R. Ambedkar, farouchement opposé au mahatma.
• 5 –
Vous me résumez ainsi : “l’auteur africain qu’elle site il est même pas africain mais allemand et il site un politique.”
D’une part une forme plus honnête et représentative de mon texte eut été : “Prétendant citer un auteur africain sans plus de précision, elle reprend en fait la citation d’un ‘auteur africain’ faite par l’écologiste allemand Rudolph Bahro. Cet auteur cité par Rudolph Bahro s’avère être le politicien béninois (donc effectivement africain) Albert Tévoédjrè.”
D’autre part, concernant les sources, vous trouvez déjà cité par [21] l’aveux de Vandana Shiva sur sa reprise des propos de Rudolph Bahro. Il semble que vous avez vu cette source… Mais vous vous concentrez me reprocher de convertir le doute de Regina Cochrane en certitude quant à l’identification de l’auteur africain comme étant Albert Tévoédjrè. Contrairement à ce que vous semblez affirmer, cette certitude n’est pas un raccourci mais la conclusion d’une recherche additionnelle, intégrant un élément ignoré par Regina Cochrane : la langue. Cette dernière disposait des informations anglophones suivantes…: Bahro se référait à l’ouvrage Poverty: the Wealth of the People et Tévoédjrè distinguait pauvreté et misère dans un ouvrage intitulé Poverty: Wealth of Mankind. Le doute provient de ces différences de titres. Il disparaît lorsqu’on considère que Bahro aura lu le livre en version originale (français) ou en allemand, et donc avec le titre “La pauvreté, richesse des peuples” ou “Armut, Reichtum der Völker”, qui dans chaque cas se traduit bien littéralement par “Poverty: the Wealth of the People”.
• 6 –
Cf 2.
• 7 –
Je doute que les situations agricoles française et indienne soient comparables. Quoi qu’il en soit Vous parlez de vulnérabilités “aux multinationales” et “aux intrants” sans bien qu’on comprenne en quoi et de quoi il s’agit, et encore moins en quoi être moins gros permet de s’en protéger. Vous parlez de monoculture, qui est un concept flou pas toujours pertinent – d’autant plus que sa facilité supérieure est fort discutable pour des fermiers labourant généralement avec des boeufs… Et surtout vous semblez pratiquer une fausse dichotomie entre une agriculture irraisonnée à grands renforts de pesticides etc., et les méthodes “bio” sans OGM prônées par Vandana Shiva.
• 8 –
Encore une fois, vous ouvrez sur un homme de paille en caricaturant mon propos : “C’est pas une vraie féministe.”
Or il ne me semble pas avoir nié qu’elle soutenait une forme de “féminisme”. Je souligne simplement que son “féminisme” n’est ni progressiste ni égalitariste, et précise que moi comme d’autres ont ou auraient beaucoup de mal à qualifier cela de féminisme.
• 9 –
On est d’accord que cette comparaison est scandaleuse a fortiori pour une prétendue “féminisme”.
• 10 –
Elle a une licence en physique. Même pas une maîtrise. Et les problèmes, assez explicitement soulignés dans l’article, sont qu’elle trompe son monde à ce sujet, qu’elle dit n’importe quoi au sujet de la physique quantique tout en prétendant être qualifiée, qu’elle s’autorise tout de même à attaquer ses adversaires sur leur diplômes… Merci de ne pas sortir les éléments de leur contexte : s’ils peuvent être mineurs pris isolément, ce n’est pas forcément le cas inscrit dans l’ensemble de l’article.
• 11 –
Vous soulignez que sa démonstration liant les sols syriens aux attentats de Paris “ressemble plutôt à de la géopolitique”… Ce qui est assez proche de ma remarque dans l’article : “Alors oui, de nombreux éléments de ce monde s’affectent les uns les autres, souvent par des mécanismes insoupçonnés…” Mais vous ne sortiriez pas comme vous l’avez fait la citation de son contexte, vous y remarqueriez le sous-entendu selon lequel ces liens ont rapport à la non-séparabilité quantique (je vous renvoie pour cela à la référence que vous avez utilisé), sous-entendu plus explicite dans les autres citations. Il s’agit bien là d’appliquer à tout et n’importe quoi le concept de non-séparabilité quantique, attitude dont elle semble tirer une partie de sa légitimité.
• 12 –
Je répondrai à votre question “Mais dans quel cas on pourrait dire que c’est les OGM alors ?” en un mot : aucun. Pourquoi supposer qu’il faut forcément des cas où l’on peut accuser la technologie quand l’utilisation pèche ?
Et pour le reste, “Mais c’est quoi sinon ?”, je vous renvoie à la lecture du résumé de l’article car les propos qui suivent votre question sont tout simplement ridicules de mauvaise foi considérant l’ensemble des explications fournies sur ce sujet complexe.
Globalement, dans l’ensemble de votre critique, vous avez principalement attaqué des points sorti de leur contexte. Surtout, vous avez omis de considéré l’article dans son ensemble. Beaucoup de points fondamentaux passent à la trappe. Votre “Dire il y autant de suicides que avant ça ne marche pas forcément.” est symptomatique. Il nie les remarques et les données sur les rendements et les bénéfices notamment.
Banane Ailée : » Sachant que chez nous, en plus, ça n’existe pas la philosophie des sciences ce qui est tout de même un peu regrettable.. »
C’est Bachelard, Piaget, Cavaillès, Canguilhem, Dupuy ou Bouveresse qui apprécieraient…
Bien sûr que si, la philosophie des sciences, l’épistémologie, est pleinement reconnue au pays de Descartes.
Excellent article, je n’ose à peine imaginer le travail en amont !!!
Merci beaucoup.
Bravo, excellent article! Et comme d’autres l’ont déjà dit, j’adore la mise en page et notamment les notes en marge, offertes à la fois en « vo » et en « vf »!
Super article merci pour l’éclairage. Cependant comme la Dr. en question est mise en scène régulièrement par des docus ou reportages antiOGM et probio à tendance biodynamie (steiner = anthroposophie) dans « desordre global pour solutions locales » ou « demain » par exemple, puisque vous avez bien étudié la dame, sauriez-vous s’il y aurait eventuellement des influences anthroposophiques ou theosophiques dans son cursus ou bien dans ce qu’elle écrit?
Aucune idée. Navré. Je sais qu’en France, Vandana Shiva est souvent comparée à Pierre Rhabi, et ils ont par exemple été à eux deux l’objet d’un événement à la Villette. De mémoire, elle a fait référence à lui sur un plateau télévisuel français. Mais je ne saurai dire si elle partage beaucoup les idées de la biodynamie (au-delà de rejet de la synthèse, de l’industrialisation, …).
1. Tout d’abord :
http://seppi.over-blog.com/2016/07/argument-d-autorite-le-cas-vandana-shiva-glane-sur-la-toile-89.html
2. Il est très difficile de cerner le personnage. Je pense qu’elle a commencé ou bien par se faire manipuler, ou bien à faire du suivisme (ou les deux). Elle s’est constitué un fond de commerce en jouant sur son « indienneté » – particulièrement auprès des bobos, des manipulateurs d’opinion ainsi que, malheureusement, de l’Université des Nations Unies – et sur son prétendu cursus universitaire – toujours auprès des mêmes et auprès de certains milieux de l’Inde et du Tiers-Monde. En jouant aussi sur son bagout et le manque de jugement de ceux qui l’écoutaient. Un fond de commerce et un personnage qu’il a fallu alimenter.
Cela implique de se renouveler, et de renouveler les alliances. Le deuxième point est le plus facile : comme elle est une valeur sûre du monde de la contestation, les alliés viennent aussi à elle quand ils y trouvent leur intérêt.
Y aurait-il des influences anthroposophiques ou théosophiques dans son cursus ?
J’ai suivi les personnage, certes d’assez loin, pour ce qui est de l’agriculture, de l’alimentation et de la propriété intellectuelle. Elle a démontré une grande capacité à prendre les vagues et à surfer. Pensée originale ? Presque rien. En fait la question est : a-t-elle des convictions ?
Je me suis interrogé sur une éventuelle dérive sectaire ici :
http://seppi.over-blog.com/2015/12/le-cote-obscur-de-l-ecodeesse-vandana-shiva.html
Ma perplexité :
« Dérive sectaire ? Peut-être. Alliance d’opportunité avec un pourvoyeur de fonds ? Peut-être. Les deux ? Peut-être aussi. »
Tout d’abord, merci pour le partage ! (Je suis tout fier. :p)
Il y a effectivement de quoi s’interroger sur les motivations et l’honnêteté du personnage. Notamment, si on se penche sur les mouvements financiers afférents à son association, Navdanya, cela semble assez opaque, mais on remarques de larges entrées d’argent sans comprendre vraiment comment il peut être dépensé. J’avais commencé à mettre mon nez dedans, mais ai décidé finalement de ne pas aborder la question : ce n’était pas le sujet, et il n’y avait rien de vraiment concluant. Seulement des doutes.
Bonjour,
J’ai été gêné à la lecture de l’article car les objectifs et les valeurs soutenues par l’auteur n’étaient pas exposées ni même perceptibles (quel était le déclencheur de ce travail important?) est-ce un travail sur Vandana Shiva, sur les OGM ou sur l’agriculture, ou les trois ? j’ai sentis également les mêmes biais que « banane ailée ». Seul étaient claires les dernières phrases de la conclusion : « Un combat erroné peut être mené en étant certain de faire le bien, et de tels combattants n’en sont que plus dangereux. »
Cela devenait clair l’auteur a réalisé ce travail car il estimait « dangereux » les thèses soutenues par Vandana Shiva : un sceptique comme il se dit dans d’autres articles qui préfère ne pas analyser les problèmes complexes que pose la prise de pouvoir des grandes entreprises mais s’en prendre aux personnalités et à leurs éventuelles contradictions. Un scepticisme très orienté.
La réponse de « banane ailée » est intelligente, elle pointe en effet les arguments en faveur de Vandana Shiva que l’auteur a soigneusement évité. Notamment sur les valeurs soutenues par la démarche de Vandana en faveur d’une économie sociale et solidaire et ainsi stopper l’industrialisation de l’agriculture (les OGM n’étant qu’un avatar supplémentaire de l’industrialisation).
« Banane ailée » déstabilise l’auteur et on le voit dans sa réponse éclairante : là encore une attaque de la personne (et aucune citation). Avec une petite phrase à nouveau éclairante en fin de commentaires l’accusant de sortir la discussion du contexte, une autre façon de dire que seuls les arguments proposé par l’auteur seraient légitimes.
C’est donc un article finalement très partisan sous couvert d’une pléthore d’argumentations choisies. Mais c’est probablement le rôle de ce site, alors bonnes lectures et analyses et merci à tou(te)s pour ces échanges.
Définitivement, je ne vois pas en quoi mes “objectifs” et “valeurs” seraient une donnée pertinente. Je n’y trouve qu’un prétexte à rejeter le propos sur cette base, ce qui constituerait un sophisme. Le travail fourni est très largement sourcé, de sorte que les propos tenus soient aisément vérifiables. Quant aux objectifs de ce travail en particulier, ils sont me semblent-ils relativement explicites :
Votre deuxième paragraphe part du propos suivant : “Un combat erroné peut être mené en étant certain de faire le bien, et de tels combattants n’en sont que plus dangereux.” Je maintiens ce qui me semble une évidence : la conviction aveuglante de certains militants présente un danger, à partir du moment où elle peut véhiculer des idées fausses à partir desquelles seront prises des décisions. Comment ne pas considérer dangereux le risque de prendre des décisions ou mener des combats en se fondant sur des faussetés ? Notez que ce propos est général, il ne cible pas Vandana Shiva en particulier. Mais il me semble avoir démontré de manière assez claire qu’elle est au moins en partie concernée par cet aveuglement : le discours standard sur les suicides des fermiers indiens, dont elle est une actrice principale, n’est pas soutenu par les sources qu’elle-même invoque.
Lorsque vous m’accusez de “[préférer] ne pas analyser les problèmes complexes que pose la prise de pouvoir des grandes entreprises”, vous me fait un procès d’intention infondé. Je ne nie pas du tout ces problèmes. Je considère même qu’il faut trouver des solutions légales pour limiter les risques de positions dominantes dans les domaines afférents aux ressources primordiales (eau, nourriture, …), et il m’arrive régulièrement de m’exprimer en ce sens. Si ici je n’aborde pas ces questions, c’est parce que ce n’est tout simplement pas le sujet. Le sujet, c’est Vandana Shiva comme exemple d’autorité trompeuse et la source de qualité qu’elle emploie pour démontrer son propos sur les suicides des fermiers indiens. Ce n’est pas un dossier sur les OGM ou l’économie agricole.
Quant à votre attaque comme quoi je préfèrerai m’attaquer à des personnalités : d’une part le problème des arguments d’autorité est un problème général majeur en termes de qualité du débat citoyen, d’autre part l’exemple choisi qu’est Vandana Shiva est loin d’être une figure mineure des argumentaires anti-OGM, anti-pesticides et anti-Monsanto. Grâce à son apparente légitimité, elle participe à véhiculer un mythe dans l’opinion publique (ce que j’ai pris la peine de démontrer dans l’article). Elle me parait donc bien être un sujet à traiter, pas juste une “cible facile”.
Pour ce qui est du commentaire du Banane Ailée, j’y ai répondu point par point. Je suis “déstabilisé” et “attaque la personne” ? Je vous invite à me montrer où j’ai attaqué l’auteur du commentaire et non ses propos, puisque chaque fois ce sont bien à ses propos que je réponds, ou que je critique quand il y a lieu, en développant. “Aucune citation” ?! La plupart du temps, je renvoie à l’article, lui-même largement sourcé. J’ajoute toutefois dans mon commentaire trois références, dont deux publications scientifiques. Ensuite, si selon vous certains propos ne sont pas convaincants ou pas suffisamment sourcés, n’hésitez pas à les mentionner précisément. En attendant, j’invite tout lecteur à se faire lui-même une idée de la validité de votre accusation en allant lire ma réponse à Banane Ailée.
Vous continuez votre attaque avec : “une petite phrase à nouveau éclairante en fin de commentaires l’accusant de sortir la discussion du contexte, une autre façon de dire que seuls les arguments proposé par l’auteur seraient légitimes”. C’est bien de faire référence à mes propos, mais encore faut-il ne pas les déformer. Je ne parle pas de “sortir la discussion du contexte” mais de d’“[attaquer] des points [sous-entendu de mon article] sortis de leur contexte”. C’est très différent. C’est plus clair en considérant une phrase antérieure de mon commentaire : “Merci de ne pas sortir les éléments de leur contexte : s’ils peuvent être mineurs pris isolément, ce n’est pas forcément le cas inscrit dans l’ensemble de l’article.” À partir de là, je ne vois pas en quoi ma remarque me permettrait de rejeter tout argument n’étant pas de moi.
En somme, si vous avez des éléments précis à l’encontre de mes propos, n’hésitez pas. Je serai ravis d’y répondre et de me corriger s’il y a lieu. En revanche, rejeter l’ensemble de mon propos sur la base d’une supposée orientation, sans considération autre pour la démonstration produite et les éléments fournis, cela ne me semble pas très honnête d’un point de vue intellectuel. Il est en effet aisé de cette manière de rejeter par défaut tout discours qui au final ne convient pas à notre propre vision des choses.
C’est bien d’être sceptique, mais il faut se l’avouer si on veut vraiment se faire une opinion, il faut se déplacer dans les pays, parler aux gens… Si on se base sur des articles de presse, alors que 95% de la presse au sens large sont détenus par les mafieux milliardaire qui ont surtout intérêt à nous mentir, il y a de forte chance que l’on tourne en rond dans résultat.
De plus on ne peut pas regarder l’Inde avec des yeux d’occidentaux, il faut un regard vierge.
Il n’y a pas besoin de doctorat en physique pour constater que la monoculture prive les peuples de leur production quotidienne…
Il y a tellement de négativité dans vos propos qui se donnent beaucoup de ma pour transformer cette femme en démon, je suis sceptique sur votre scepticisme qui ressemble d’avantage à du ressentiment, beurk
À l’idée qu’il faille se déplacer en Inde pour parler, je répondrai par trois éléments. Le premier est de vous renvoyer vers la section “Indiennité” qui répond justement à ce type d’arguments. Vandana Shiva est certes indienne, mais son monde n’est pas celui des fermiers locaux. Alors oui ça n’interdit pas de parler correctement en leur nom, oui ça lui permet en plus de parler avec eux… mais son indiennité ne la rend pas intrinsèquement pertinente et ne lui interdit pas non plus de tenir des propos qui seraient déconnectés des avis des populations concernées. C’est pourquoi les sections suivantes s’attachent à analyser les impacts délétères de son idéologie. C’est pourquoi la dernière partie analyse le bien-fondé de son discours.
Le second élément que j’aimerai mentionner est justement l’utilisation de propos d’autres indiens dans le travail ci produit : Siddhartha Shome [19], le leader dalit B·R. Ambedkar [21], ainsi que les propos rapportés par Michael Specter qui est justement allé en Inde [14]. Et non, on ne peut pas affirmer que les médias taisent les avis négatifs des indiens du fait du leur contrôle par les “mafieux milliardaires”. On ne peut pas l’affirmer parce que c’est tout simplement manifestement faux : Vandana Shiva fait le tour des plateaux TV et est glorifiée dans les journaux (j’ai fourni assez de source en ce sens). On trouve aussi des “documentaires” diffusés alors qu’ils s’attaquent directement aux entreprises concernées : Le Monde selon Monsanto et Cash Investigation – Produits chimiques : nos enfants en danger en sont des exemples notoires.
Enfin, troisième point : faut-il vraiment se déplacer pour analyser les impacts de certains raisonnements ou les chiffres associés à l’utilisation des OGM en Inde ? Faut-il se déplacer pour lire les sources [21] et [46] ? … Faut-il se déplacer en Égypte pour parler des pyramides ?
Nous sommes d’accord sur un point : il n’y a pas besoin de doctorat en physique pour parler d’agriculture et de société. D’ailleurs, je le souligne explicitement dans l’article :
(En revanche, “la monoculture prive les peuples de leur production quotidienne”, c’est un peu simpliste. Oui, il y a un déficit de production de denrées destinées à la consommation locale. D’ailleurs, le rapport traité dans la dernière partie souligne des soucis liés à un manque de diversification, point que je mentionne dans l’article. Toutefois, il ne faut pas oublier que la transition vers des cash crops comme le coton est motivée par des bénéfices supplémentaires pour les fermiers eux-mêmes. C’est bien pour ça qu’ils font ce choix. De fait, “l’adoption du coton Bt a significativement amélioré la consommation de calories et la qualité des régimes alimentaires, du fait de l’accroissement des revenus familiaux. Cette technologie a réduit l’insécurité alimentaire de 15-20%.” (“Genetically Modified Crops and Food Security”, M. Qaim, PLOS One, 2013 ))
Enfin, votre dernière attaque est construite sur un ressenti et un procès d’intention. Je ne transforme pas cette femme en démon : j’analyse les éléments non pertinents qui font que son propos est néanmoins écouté et jugé comme fiable. Je tiens d’ailleurs à souligner un effort pour relativiser le propos de Wackes Seppi sur la taille du bindi — Wackes Seppi qui d’ailleurs a jugé cet article trop “indulgent”. L’ensemble du propos est développé et largement sourcé, en citant notamment Vandana Shiva elle-même. Le rejeter en bloc du fait de votre ressenti serait intellectuellement malhonnête.
Voici une interview de Vandana Shiva parue aujourd’hui (9 septembre 2016) dans Le Monde :
http://www.lemonde.fr/festival/article/2016/09/03/vandana-shiva-l-idee-que-nous-sommes-maitres-de-la-nature-n-est-qu-une-illusion_4992067_4415198.html
Je ne vais pas relever les nombreuses « erreurs » de Shiva dans cet interview. Juste une seule, à propos du Coton BT :
« Cette technologie a échoué. Or, l’efficacité des outils doit être mesurée à l’aune de leurs résultats. »
Voilà un argument d’autorité typique de cette dame. Elle prétends que la technologie a échoué, comme si c’était un fait acquis. Et elle veut qu’on la croie … sans vérifier bien sûr. Et pourtant …
Je pense que l’article Bunker D est utile pour décoder le discours de Vandana Shiva.
Simple extrait de l’interview de Shiva :
« A travers la dynamique que je défends, il s’agit de rétablir les relations entre l’océan, l’air, le vent et la mousson, pour que nous ayons des précipitations au bon moment et un hiver au bon moment »
Modeste avec ça.
Ayant découvert que très récemment les bien-faits d’un scepticisme mesuré, je me rend compte de l’étendu du travail accompli ici… Dans tout les cas MERCI pour cet éclairage riche et fait dans les règles de l’art.
Merci pour cet article d’une très grande qualité. Au delà du travail méthodique effectué, je voudrais saluer le ton de l’article, qui n’est ni pédant, ni méprisant, ni agressif, ce qui me semble important dans une époque où la petite vanne sert trop souvent de pis aller à des arguments un court. Alors merci, parce que je sais que la petite vanne est toujours tentante.
J’ai beaucoup apprécié la lecture de votre article, et notamment son contenu argumentaire. Merci !
Je me permettrai de répondre aux critiques sur la monoculture, en tant qu’étudiant en Sélection végétale. Les rendements en blé/maïs ont plus ou moins quadruplé depuis la seconde guerre mondial, grâce en grande partie aux efforts de sélection réalisés par les semenciers. Ces cultures sont ainsi devenues très rentables et ont permis d’augmenter le niveau de vie des cultivateurs, d’où leur culture à répétition. Malheureusement, peu de moyens sont mis sur les autres cultures, et aujourd’hui les espèces permettant d’allonger les rotations sont peu rentables (nd : rendements faibles et/ou irréguliers). A priori intéressé par le concept de libre échange de la graine, il empêche en vérité la rémunération de ceux qui permettent cette amélioration génétique pouvant fortement influencer le choix des espèces cultivées (et ceci sans parler de l’agriculture amateur, qui peut d’ores et déjà échanger et même inscrire des variétés gratuitement…).
Bonjour et merci pour cet article, qui vient contrebalancer un peu ce que j’ai pu voir et entendre autour de cette dame.
Pour m’être penché il y a quelques mois sur les documentaires « Solutions locales pour un désordre global », « La guerre des graines », « Demain », j’ai retenu (mais je n’ai pas une très bonne mémoire) que cette femme luttait avant tout contre le principe d’appropriation de la nature (catalogues de graines autorisées à la vente et à l’échange, etc.) par quelques grandes firmes qui maitriseraient le marché des graines, graines d’ailleurs en majorité « stériles » puisque hybride F1, ce qui implique que les graines issues de ces plants seront peu ou pas productifs. Sur cet aspect je serai tenté de la rejoindre, mais je reste ouvert à discussion sur la réalité de cette « menace ».
De ce que j’ai retenu de son propos, c’est le fait que les paysans ne puissent pas resemer les graines récoltées d’une année sur l’autre, mais soient contraints de racheter des graines aux industriels qui ruinerait certains paysans au point de les pousser au suicide. Le coeur de son combat m’a donc semblé être le système de dépendance des fermiers aux industriels plutôt que le côté non-naturel des OGM, bien qu’elle soit effectivement partisane du « contentons-nous de ce que la nature nous offre ». Evidemment, je ne connais pas l’intégralité de ses interventions et de ses publications et j’ai donc possiblement une vision seulement partielle du personnage, mais toujours est-il que dans votre article elle apparait comme un personnage moins nuancé que dans mes souvenirs. J’y vois aussi beaucoup d’arguments orientés contre la personne (ad personam ?) que je n’estime pas nécessaire, pourquoi tant écrire sur la personne s’il suffit de lui répondre sur le fond ?
Merci en tout cas pour ce travail bien référencé, malgré son côté très « à charge contre… » qui gagnerait d’après moi à être plus neutre dans son traitement.
Pourquoi tant écrire sur la personne ? Parce que comme son titre l’indique, le sujet de l’article est moins le propos de Vandana Shiva que l’argument d’autorité qu’elle illustre. Ainsi, l’article analyse les raisons pour lesquelles elle paraît fiable, bien placée pour parler, ainsi que leur valeur. Évidemment, cela ne nous dit rien sur la validité des propos de la militante, et dire le contraire serait effectivement commettre un ad personam dont l’article se garde bien. Ainsi, l’article ne se penche que sur un point particulier du discours de Vandana Shiva et y répond bien “sur le fond” ; et si ce point est choisi, c’est notamment parce que l’auteure fournie elle-même une source qui la fait mentir.
Ainsi, votre commentaire aborde donc un point qui n’est absolument pas concerné par l’article : l’appropriation des graines et la dépendance des agriculteurs indiens auprès des grands semenciers. Ce sont des questions cruciales, notamment sur le plan politique. En effet, il est entre autres question de la souveraineté alimentaire.
En revanche, il m’apparaît que le discours de Vandana Shiva à cet égard présente une version fort arrangeante mais fort biaisée à l’échelle individuelle. On souligne que l’agriculteur doit racheter des graines, ce qui lui coûte cher, et on affirme que cela joue un rôle majeur (voire crucial) dans l’endettement. On peut d’abord mentionner que si la récolte échoue, l’agriculteur aura du mal à replanter et sera quoi qu’il en soit dans une situation problématique ; mais évidemment le rachat systématique réduit à chaque récolte les gains et accroît le problème. Par contre, plus pertinent, on peut remarquer que si ces graines à racheter chaque fois se sont démocratisées, c’est bien parce qu’elle rapportait plus qu’elles ne coûtaient. (Je soulignerai que Gruère et al. remarque que l’exemple des voisins prospères et le bouche-à-oreille jouent un rôle majeur dans la démocratisation des produits utilisés. Donc exit l’excuse des vilaines industries qui tromperaient les agriculteurs, hypothèse que de surcroît prend les agriculteurs pour de gros débiles.) La situation générale de l’agriculteur serait donc en fait améliorée. Notons toutefois qu’en cas d’échec de la récolte, les investissements supérieurs en amont ne sont pas compensés. Les gains sont donc certes meilleurs et le risque d’échec généralement moindres, mais un échec coûte bien plus cher et peut ainsi devenir plus difficile à supporter par l’agriculteur.
Aussi, je rappelle que Gruère et al., entre autres, classe le système de prêts comme la principale cause systémique des suicides, les causes systémiques se combinant apparemment souvent avec une fragilité psychologique préexistante.
Il y a un autre point qu’il convient de souligner quant à la souveraineté alimentaire et l’indépendance des agriculteurs. Les semenciers créent des graines qui se vendent parce que chacun y trouve son compte : la graine est suffisamment meilleure pour que l’agriculteur y trouve son compte malgré rachat systématique, et le semencier lui s’assure un retour sur investissement. Un système capitaliste classique, où le retour sur investissement est générateur de progrès techniques via la recherche privée ainsi motivée. Néanmoins, on peut aspirer à une recherche publique, qui permettrait éventuellement la recherche de graines si intéressantes sans l’inconvénient les accompagnant, en plus d’accroître la souveraineté alimentaire du pays.
Monsieur Bunker D
Votre pseudo aurait-il comme origine le verlan du verbe anglais « debunk » démystifier ?
En tous cas, votre article témoigne d’un très grand professionnalisme dans le domaine du scepticisme, qui semble être votre raison d’être.
Pour ma part, j’ai la conviction – donc indémontrable – que tous les hommes mentent. Il y a les menteurs professionnels « Les yeux dans les yeux » et il y a les menteurs occasionnels. Vous démontrez donc avec talent que cette dame est une menteuse professionnelle.
La question que je me pose est de savoir si cette dame est utile ou dangereuse pour la planète. Ma conviction est qu’elle est plutôt utile pour susciter l’intérêt et le débat sur le sujet de la survie de l’Humanité sur notre belle planète.
Si on accepte l’idée approximative selon laquelle cette dame est plutôt « anti système », auriez-vous la même énergie, le même enthousiasme, la même détermination pour mettre en œuvre votre scepticisme à l’endroit de ceux et celles qui font « le système ». Car de ce côté là, le nombre de menteurs professionnels est considérable et les conséquences de leurs mensonges sont catastrophiques pour l’humanité.
Confère les « armes de destruction massive » attribuées au dictateur Saddam Hussein, ce mensonge qui a entraîné des centaines de milliers de morts, de blessés et des décennies de guerre et de haine, jusque dans notre beau pays.
Curieusement d’ailleurs, si vous exercez votre scepticisme à l’endroit du « système », vous n’êtes plus un sceptique mais vous devenez un complotiste. Par exemple, selon les années, entre 50 et 80 pour cent des américains pensent que Lee Harvey Oswald n’a pas « tué seul » John F. Kennedy. Le simple fait de douter de la véracité des quatre rapport d’enquête officiels vous fait automatiquement basculer dans la catégorie des complotistes. Les sondeurs ne s’y trompent pas puisque si vous doutez de la vérité officielle, ils vous demandent alors, qui ferait partie du complot. http://news.gallup.com/poll/165893/majority-believe-jfk-killed-conspiracy.aspx
J’attends donc avec impatience, que vous dirigiez aussi vos talents de sceptique vers les menteurs professionnels du « système » et j’observerai avec attention les réactions de vos lecteurs.
Effectivement, « Bunker D » est une référence à « debunker ».
Pour ce qui est du cœur de votre commentaire, vous demandez si des discours comme ceux de Vandana Shiva, malgré leur écart aux faits, ne seraient pas in fine tout de même plus positifs que négatifs à l’égard des grandes causes (l’humanité, l’environnement, etc.). Vous pensez que oui, je répondrai par un ferme non. Non, parce que quand le fait devient secondaire, alors plus rien n’assure que l’on agit par rapport à ce qui est. Ainsi, on peut se trouver à mener des combats contre-productifs pour ces causes. C’est ce que montre cet article : l’opposition aux technologies de cotons OGM se veut en faveur des agriculteurs indiens, mais elle les dessert. C’est ce que montre aussi cet autre article au sujet de la lutte contre le glyphosate, qui se révèle très sûrement contre-productive notamment pour l’environnement. On ne peut pas se permettre de laisser passer des discours aux fondations si fragiles, au risque sinon de devenir des Don Quichotte chargeant des moulins, des héros aux yeux bandés qui frappent sans distinguer le truand du juste.
Je soulignerai aussi que de tels discours contrefactuels nous aveuglent régulièrement plus que nous le croyons. Ils désignent souvent des « coupables », des boucs-émissaires. Ils apportent des explications simples et attractives pour des situations que l’on juge inacceptables. Mais comme ils ne les expliquent pas réellement, on se retrouve à ne pas identifier les causes réelles de la situation. Ou parfois, on zappe même complètement qu’elles existent en l’absence des causes présumées. Prenons un exemple : un des arguments récurrents contre les OGM relève de la propriété intellectuelle. «%#8239;Non mais de toute façon, que ce soit safe pour pas, ce qui me dérange c’est que les agriculteurs ne peuvent pas replanter les graines. » Ainsi donc, à supposer que l’argument ne relève pas de la mauvaise foi, son auteur considère qu’un agriculteur ou une agricultrice doit pouvoir replanter ses graines sans encontre et croit qu’il le peut sans les OGM. Pourtant, depuis plus de 50 ans (et donc avant les OGM agricoles), les Certificats d’Obtention Végétale garantissent aux semenciers un quasi-monopole sur leurs semences et imposent des royalties pour quiconque ressème sa récolte. Ce qui est considéré comme un problème existe bel et bien, sans que l’auteur de l’argument le sache puisqu’il croit à l’équivalence trompeuse établie entre OGM et propriété intellectuelle sur les semences.
Voilà donc pourquoi selon moi les discours fallacieux de militants aux justes causes doivent être vivement critiqués : ils nous aveuglent, ils dévient nos efforts, et ils peuvent même desservir la cause de départ. Et ce même si questionner les systèmes comme ils le font est sain.
Nous atteignons là votre autre remarque : si je considère ce questionnement « du système » comme sain, pourquoi ne m’investis-je pas tant sur cette voie ?
Déjà, je soulignerai que j’ai parlé des systèmes. Les dynamiques sociales ne s’arrêtent pas à une opposition entre d’une part les gouvernements et industriels et d’autre part le peuple et la Terre, et je pense qu’il ne faut certainement pas se contenter de ne critiquer que ce système, « le système ». D’autres systèmes sont des émergences, des phénomènes sans dirigeants qui néanmoins définissent nos rapports sociaux. Ce que l’on appelle la patriarchie est un exemple : nos habitudes, nos préjugés, notre culture et jusqu’à notre langue participe à maintenir une situation inégalitaire entre femmes et hommes. Ce n’est pas « le système », et c’est pourtant un système qu’il convient aussi de questionner (et qui sera d’ailleurs au cœur de mon prochain article).
Lorsque des modèles de compréhension de notre monde deviennent hégémoniques, lorsqu’ils sont partout dans notre environnement socio-culturel, s’auto-entretiennent, et affectent nos perceptions et nos actions politiques, ce sont des systèmes. Et les croyances pseudo-écologistes que j’affronte ici relève de cela.
Enfin, il existe de bonnes raisons pour lesquelles « le système » est quelque chose que je questionne peu. La première est qu’il s’agit souvent de sujets historiques et politiques pour lesquels je me sens donc moins qualifié et pertinent (voir par exemple l’exemple que vous avanciez). La seconde, plus importante et plus satisfaisante d’un point de vue extérieur, c’est que d’autres le font déjà beaucoup. Dans de telles conditions, je trouve peu pertinent d’être un énième dénonciateur « du système », et bien plus pertinent d’avoir un action correctrice vis-à-vis de tels dénonciations, tenter de séparer le bon grain de l’ivraie. D’autant que ces discours dénonciateurs que vous m’invitez à joindre, loin d’être marginaux, ont des effets réels, avec notamment les éléments contre-productifs susmentionnés. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir les positions officielles à l’égard des OGM, ou encore l’état du débat politique sur le glyphosate. Et c’est bien pour l’environnement et l’humain que je lutte contre de tels discours contestataires, erronés, mais non moins effectifs.
Merci de votre réponse. Votre positionnement est explicite et c’est plus clair ainsi.
Il existe tant de menteurs professionnels que votre tâche est sans fin.
Et il y en a tellement du côté des « gouvernements et industriels » que, par sport, vous pourriez aussi y exercer vos talents 😉
Quel travail …
Clair et documenté – merci
Hello Bunker D
Très joli article, et belle énergie.
Je comprend le scepticisme, il est essentiel, si correctement manié, en tant que capacité de montre du recul et de la critique sur des choses qui semblent acquises de tous.
J’ai le sentiment que beaucoup de nos pensées se fondent sur le pour et le contre, souvent sans savoir ce dont on parle, et du coup sans incorporer de nuances (je dit on, je ne suis pas étranger à ce phénomène bien que tentant d’en être conscient et de m’en détacher).
Du coup j’ai l’impression de me retrouver devant un énième élan de superbe énergie pour défaire quelque chose que vous ne connaissez qu’à moitié. C’est dommage. Et vu comme vous avez l’habitude de répondre aux critiques, je sens déjà venir le grosse répartie 🙂
1. L’indienneté
Cela à déjà été évoqué, vous ne semblez pas connaître grand-chose à l’Inde. Et bin OUI, oui mille sabords ça compte pour parler d’une personnalité indienne. Oui il faut être aller voir les pyramides en Egypte pour en parler ! Est ce qu’un paysan indien pourrait comprendre une chronique de G·Meurice sans avoir jamais vécu en France ?
Le fait est que l’Inde est un pays riche de philosophies, de spiritualité, de cultures, traditions, pensées, personnalité.es et j’en passe.
Là-dessus, deux trois petites choses, vous en ferez ce que bon vous semblera. De une Vandana Shiva est également très populaire en Inde, chez des indien·nes des vrais de vrais (sans plumes), et des indiennes qu’ont aussi des saris et des bindis.
Ensuite, pour ma part j’adhère à ce qui est pour moi un fait : oui en Inde la spiritualité à une place qui n’existe PAS dans aucun pays occidental ou j’ai pu aller. Et je parle de spiritualité, non pas juste de foi religieuse. Et oui cela à un ROLE dans la vie des gens. Il ne s’agit pas d’élever chaque paysan au rang de saddhus (ascète renonçant), un paysan est un paysan et un saddhu, un saddhu, les deux mènent une vie différente. Mais vous avez très justement souligné la relativité du concept de pauvreté, ainsi il en est de même pour les questions de confort, de place dans la société et d’inégalité.
Ce qui amène au sujet des inégalités (je ne vais pas revenir sur tous les aspects que vous avez traité, même si j’aimerai bien). Une autre personne l’a souligné·e avant moi : attention à l’ethnocentrisme ! NOS valeurs d’égalités occidentales ne PEUVENT PAS être appliquées dans la société indienne. Le système social indien est très ancien et complexe et va bien au-delà de l’application d’un calque de notre système féodal tel qu’on peut souvent le voir (par ailleurs petite erreur dans le nom du quatrième varna, qui est shudra, et non pas shruda), c’est bien plus nuancé que l’image que l’on en a. Un Brahmane n’est pas nécessairement riche, tout comme un vaisha n’est pas nécessairement pauvre, par ex.
Bref, d’un point de vue perso la situation des dalits en Inde est inacceptable, du fait qu’elle est profondément violente et répressive. Et les incorporer à la caste des shudras n’est pas si absurde que vous voudriez le souligner.
“L’égalité est pour les esprits, pas pour les corps.”
Cette phrase est dangereuse. Elle peut être interprétée de bien des manières, et surtout si l’on a pas connaissance du terreau philosophique et spirituel indien, surtout si l’on veut aller vite. (et j’insiste, oui la spiritualité et la philosophie ont une place au quotidien dans la vie des gens en Inde, sans faire de chaque hindou un grand sage. Encore cette semaine j’ai reçu un message d’un pote qui me parlait de parole d’un saint tamoul, qui parlait du fait que le corps est l’essence de l’esprit qui s’est solidifiée, celui qui atteint le moksha, libération se défait de cette cristallisation de son esprit). Si vous n’avez pas encore connaissance de celle-ci, je vous invite à découvrir la philosophie de Sankara, largement répandue en Inde https://fr.wikipedia.org/wiki/Adi_Shankara#Doctrine
Rapidement , deux autres points parce qu’après faut j’y aille.
Shiva féministe
Concernant l’agriculture, un petite chose qui pourra peut-être éclairer vos mots concernant le rôle des femmes dans l’agriculture, et ce qu’en dit Shiva V.
Women are hard-working
OUI CLAIREMENT, en Inde les femmes sont des PILIERS de la société, en partant du cadre privé. La femme cuisine, lave, range, s’occupe des enfants, est une génitrice, une souffre-douleur, elle maintient les traditions et en plus de tout ça elle bosse à fond, mais pas dans tous les domaines. Pour ce qui est de l’agriculture par exemple, les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes rôles : la mâle (énergie active, le soleil) laboure et s’occupe des plantes pendant la croissance. La femme (énergie passive, la lune) s’occupe elle de semer, de récolter et faire sécher et vanner si besoin. De fait, c’est bien (en Inde) les femmes qui s’occupent traditionnellement des semences et c’est pourquoi Shiva V. insiste sur leur rôles de conservatrices des semences et de la vie des cultures. Voilà, je ne m’épancherai pas sur les critiques du patriarcat etc.
Shiva, scientifique
Et enfin, de manière anecdotique (mais encore une fois cela semble être le résultat d’une non-connaissance vivante de l’Inde), les indiens ont un côté très formel, notamment en ce qui concerne les appellations, les titres. Toute personne qui a passé un PhD est Dr. C’est tout, ce n’est ni pompeux ni prétentieux, c’est juste comme ça, tout le monde le fait. Elle est Dr. parce qu’elle a passée un doctorat, peu importe le domaine, elle est Dr.
Vous pouvez répondre si cela vous dit, je vous ai exposé quelques éléments qui m’ont sauté aux yeux avec la connaissance que j’ai de la société indienne qui est complexe et souvent paradoxale, et des indien·nes. C’est dommage car cela, à mes yeux dessert tout le reste du travail parce que du coup beaucoup de critiques faites sont infondées et couvertes d’un voile d’ethnocentrisme, mais c’est très courant concernant ce pays. Même moi, ayant vécu là-bas je ne me permettrai pas de fixer à l’écrit aucune de mes pensées parce que je ne saurai pas de quoi je parle, dans le fond.
Belle journée
Ha si en trame de fond il y a un fossé entre la perception occidentale de la nature qu’on ressent ici et la perception prônée par Shiva V, du cosmos et du grand Tout, du petit infiniment grand et du grand infiniment petit –> voir la doctrine de la non dualité de Sankara et les doctrines bouddhistes
Problème de compréhension et prônation d’un concept au détriment de l’autre…
Bises
De votre critique sur “L’indiennité”
Toute votre première partie sur l’“indiennité” ne fait globalement que répéter les discours auxquels mon article répond déjà. Sous couvert d’éviter l’ethnocentrisme, il défend l’héritages des castes et excuse la galère matérielle des populations dominées à coup de supposée spiritualité… une spiritualité avancée avant tout par les biens nourris comme Vandana Shiva. À cet égard, je citerai Albert Tévoédjrè : “L’idéalisation religieuse et poétique de la pauvreté […] a largement été utilisée et exploitée par beaucoup dans le but de dominer, subjuguer et s’enrichir en rendant les autres encore plus misérables.”
Et vous avez alors beau jeu de m’attaquer sur ma supposée ignorance de l’Inde, mais finalement je cite bel et bien des fermiers indiens qui aspirent à une vie meilleure via les biotechnologies notamment, et expriment une certaine désolation face aux discours rétrogrades tels que ceux de Vandana Shiva. Finalement, dans la pratique, en opposition nettes avec ses idéologies, les fermiers indiens ont largement accueilli les cultures OGM. Mais peut-être ne connaissent-ils pas leur propre culture ?
Je répète donc les propos d’Albert Tévoédjrè : “Le respect des cultures et des traditions ne doit pas aller à l’encontre du respect de la personne humaine.”
Au passage, Vandana Shiva ne fait pas du tout l’unanimité en Inde. Et elle n’y est pas si connu : à l’époque où je travaillais sur cet article, j’ai voulu interroger trois contacts indiens ayant vécu en Inde jusqu’en 2010 au moins, et aucun ne savait qui c’était.
De votre critique sur “Shiva, féministe”
Tout votre propos, là encore, s’inscrit globalement dans une redite de ce que je critique. Le discours avancé est exactement ce que je reproche : une distinction essentialiste entre “la femme” et “l’homme”, de ces distinctions qui sont vivement rejeté dans la quasi-totalité des mouvements féministes contemporains parce qu’elles justifient les organisations sociétales genrées, et donc le patriarcat. En l’occurrence ici, cette tradition sexiste est manifestement bien compatible avec le système patriarcal indien. Vos remarques donc n’apprennent rien, et surtout ne contredisent rien de l’article. Au contraire, elles en illustrent le propos.
De votre critique sur “Shiva, scientifique”
La critique passe complètement à côté de mon propos. Je n’ai jamais nié doctorat de Vandana Shiva ni son titre de docteure. Ils sont mêmes explicitement reconnus dès la première phrase de cette partie de mon article. Ce que je reproche est qu’elle soit présentée comme docteure en physique quantique, ce qu’elle n’est en revanche pas.
PS : Que la notion de nature selon Vandana Shiva inclut des composantes spirituelles et métaphysiques ne rend pas son propos sur les OGM plus juste. Au contraire.
Merci pour ce superbe article, très éclairant.
Merci de nous mettre le nez dans notre étrange fascination exotique pour l’Inde, je ne suis pas une spécialiste mais ayant travaillé deux fois en Inde, je vous avoue que j’ai été profondément choquée par la pauvreté et l’inégalité, que je n’ai rien trouvé de charmant ni de spirituel dans tout ça (et les cérémonies auxquelles j’ai assistées m’ont fait beaucoup rire, mais on ne peut pas dire que j’étais ouverte d’esprit ce sujet).
Et ce « féminisme » qui rattache les femmes à leur condition de mère et à la « nature » me sort par les trous de nez, (c’est par ailleurs un biais très commun chez des féministes débutantes).
Nous sommes cernés par une multitudes de personnalités profitant de leur légitimité (réelle ou fantasmée) pour faire passer des messages assez discutables quand on gratte un peu.
Pourquoi autant de méfiance vis à vis des médias, de big Pharma ou des lobby pour être aussi crédule devant le bio, le « parallèle » et le « naturel » qui utilisent exactement les mêmes armes (pub, lobbying, appel à la peur, mensonges, bourrage de crâne et présence médiatique)?
L’argument d’autorité me semble-t-il est du côté de l’agrobusiness… On voit ce que ça donne au Brésil ou en Argentine.
Vous oubliez volontairement ou non que Vandana Shiva a dénoncé le brevetage de plantes autochtones comme le margousier (Neem) par des grands groupes de semenciers internationaux ce qui est un acte de piraterie « légalisée ».
Dans les années 1990, environ 64 brevets sur le margousier furent déposés, principalement à l’Office européen des brevets (OEB). Un certain Larson avait observé l’usage du margousier dans les champs et, après avoir fait le tour des universités, déposa une demande de brevet à l’OEB, brevet qu’il obtint puis vendit à la société W. R. Grace and Company, géant de l’agrochimie. Selon la fondation France Libertés « Une conséquence directe fut l’augmentation de la demande en graines de neem par ces acteurs. W. R. Grace installa une usine de traitement du neem qui capta une grande partie des graines disponibles, faisant augmenter leur prix au-delà de ce que les populations locales pouvaient payer. » La vaste campagne pour faire annuler ces brevets fut une des premières campagnes contre un cas de biopiraterie. En effet, les vertus fongicides du margousier étaient connues depuis au moins 2 000 ans, aussi une des conditions du brevetage de cette plante (la nouveauté) n’était pas réunie. Après dix ans de campagne, dans laquelle l’activiste indienne Vandana Shiva fit alliance avec Linda Bullart d’IFOAM et des députés verts européens (Magda Aelvoet), reconnaissant l’antériorité des savoirs traditionnels indiens sur le margousier, le brevet déposé par Larson et racheté par Grace fut annulé par l’Office européen des brevets.
C’est quand même à mettre à son actif, si vous voulez vous montrer honnête, non ?
Prétendre qu’il y a un “argument d’autorité du côté de l’agrobusiness”, quand son implication dans la recherche fait systématiquement l’objet d’un rejet des résultats dans les médias et le discours populaire, c’est pas ultra convaincant. Savez-vous seulement ce qu’est l’argument d’autorité ? Ou est-ce juste une question d’écrire une sorte de “Toi-même !” ?
Quant au reste, ce n’est pas le sujet de l’article, qui ne prétend pas que tout ce que Vandana Shiva a jamais fait serait dans l’erreur. Mais critiques portent sur des points précis, sur d’autres sujets où elle est une interlocutrice récurrente.
Bonjour,
Je choisis une source parmi 2, la « 23 » pour vérifier votre propos comme quoi elle se présente scientifique avec un doctorat en physique alors qu’elle n’en a pas.
Dans cette source, France Culture, il est retranscrit de l’interview : »
« Mon éducation m’a été prodiguée par la forêt. » D’ailleurs, sa mère écrivait de la poésie dont le sujet central était presque exclusivement les arbres. Mais ce que la jeune Vandana désirait, c’était comprendre la nature d’un point de vue scientifique. Elle entra donc en internat, dans une école où elle commença son étude des sciences. « Je voulais devenir physicienne. Il fallait que je comprenne la nature d’un point de vue scientifique. La science permet de protéger la nature. » »
Elle ne dit pas qu’elle est docteure en physique. Elle explique seulement son choix d’étude à l’époque.
Mettre des sources ne suffit pas. Il faut que le contenu corresponde.
Enfin, un article dans son ensemble est certes plus lourd, mais si on démonte un à un chaque petit argument, alors il n’est plus rien.
Pour ma part, je n’ai malheureusement pas le temps de fournir ce travail conséquent.
Si je ne sais pas si cette femme se trompe sur certains propos, ce qui est certain c’est que ce qu’elle prône est bon, une humanité plus proche de la nature. Dommage que des personnes qui ont la voix pour faire entendre les problèmes de tout un siècle soient pointées du doigts pour quelques maladresses (parfois detournées) plutôt qu’écoutées pour leur message.
Céline
L’interview vers laquelle ma source pointe fait approximativement 45 minutes, vous vous contentez de parcourir les quatre petits paragraphe de résumé pour savoir ce que Vandana Shiva dit ou non, et vous osez me dire : “Mettre des sources ne suffit pas. Il faut que le contenu corresponde.” ?! Le propos auquel je fais référence est clairement cité dans mon article (via mon système dynamique de citations) : “… which is why when I started a PhD in particule physics …”, audible à 5:21.
Voilà donc pour la qualité et la crédibilité de votre critique. Quant à prétendre que “ce qui est certain c’est que ce qu’elle prône est bon”, c’est un peu léger quand c’est affirmé juste comme ça, en faisant abstraction de tout ce que mon article contient à cet égard. Alors non, ce n’est pas “certain”, bien loin de là.
Bonjour,
Merci pour cet article, bravo! La fascination de certaine personnes de bonne foi pour ces gourous me désole.
Merci Bunker D pour l’énergie consacré à cet article. Il est très éclairant, mais pas assez je pense sur un aspect: Vandana shiva est certainement une manipulatrice, mais elle n’est pas forcément mal intentionnée, sans doute est-elle essentiellement aveuglée, piégée dans une vision manichéenne. Son ego est au manette… (avec son aura d’indienne et de scientifique elle cultive une image de sage, pour les autres mais aussi pour elle même. Ce n’est pas signe d’une grande qualité spirituelle, surtout si elle n’en est pas consciente)
L’habit ne fait pas le moine, sauf pour celui qui croit ce qu’il voit, dans le miroir, son reflet dans le regard des autres. Et pour ceux qui veulent voire ce en quoi ils croient.
Un grand sage sait qu’il ne l’est pas….C’est le reproche que je ferais à cette femme, elle est certainement bien attentionné, sans doute manipulée par un système de croyance (aucune référence directe aux croyances orientales particulièrement), et cherche à contrecarrer un pouvoir en favorisant l’émergence d’un contre pouvoir. C’est sain, mais la fin justifie-t’elle d’employer les moyens qu’utilise la partie adverse (malhonnêteté intellectuelle, manipulation de chiffre, création de mythes crédulisant…)?
Aussi cultiver l’humilité lui éviterait de passer pour une donneuse de leçon, et permettrait à son message de porter ces fruits dans les esprits de ceux qui ne sont pas entièrement ses adeptes…
Mme vandana shiva, femme de conviction, pour le meilleur et pour le pire. Peut-être que cet aspect devrait être plus présent dans votre analyse, afin de ne pas braquer les sympathisants de Vandana Shiva qui, dès lors, ne pourront plus remettre en cause le mythe, et resteront bloqués dans cette vision manichéenne, plus confortable, plus sécurisante psychologiquement. La boîte à outil de l’esprit critique remise au grenier…
Vous êtes plutôt vigilant à ne pas rejeter mme Vandana Shiva en bloque, et j’avoue que c’est tentant de briser un mythe avec fracas, mais équilibrez vos propos comme on équilibre une arme de jet, et ils iront plus loin…Pour le meilleur et pour le pire…
Excellente votre démystification de Vanda Shiva. Dommage que votre blogue n’ait été écrit des dizaines d’années plus tôt.
Merci beaucoup. Un excellent travail. En Inde, il y a tellement d’hommes et de femmes qui travaillent à vraiment améliorer le sort des paysans, sans faire partie du jet set international.
Par ailleurs, je me souviens d’avoir été surpris par le chercheur colombien qui voulait introduire le gène de résistance au Roundup dans des variétés de manioc. Car le manioc, disait-il, est souvent cultivé par les plus pauvres des paysans et leurs parcelles sont envahies par les mauvaises herbes. Sans doute pas la solution miracle et idéale, mais il croyait que ça valait la peine d’être essayé.